Serre-moi fort

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Le talent de réalisateur de Mathieu Amalric s’impose avec encore plus de virtuosité.

Adaptation littéraire

Après la réussite incontestable de Barbara en 2017, auréolé entre autres du prix Jean-Vigo, du prix Louis-Delluc, du Prix pour la poésie du cinéma dans la sélection Un certain regard, et de deux Césars, Mathieu Amalric revient à la réalisation et présente cette année son nouveau film dans la section Cannes Première. Le film était prêt déjà l’année dernière mais, à cause de la pandémie qui a empêché le festival en 2020, Mathieu Amalric a préféré attendre pour le présenter cette année à Cannes et il a bien fait. On a donc pu découvrir cet opus talentueux qui est une méditation toute en nuances et discrétion sur l’absence et le deuil. En s’inspirant de la pièce Je reviens de loin de Claudine Galea, Mathieu Amalric parvient magistralement à retenir l’attention du spectateur sur un drame dont on ne sait rien et dont, du coup, nous ne parlerons pas.

 

 

Ca semble être l’histoire d’une femme qui s’en va

C’est sans doute à dessein que le synopsis de ce film ne dit rien ou presque, en quelques mots seulement : Ça semble être l’histoire d’une femme qui s’en va. Servi par deux magnifiques interprètes, Arieh Worthalter et Vicky Krieps absolument saisissante de vérité, dans cette sorte de mise en abyme de la folie, Serre-moi fort est, du coup, un film vraiment inclassable. Est-ce un film d’amour ? Est-ce une méditation sur la musique aidé en cela par l’ouverture du film sur un morceau au piano de Jean-Philippe Rameau, puis par l’évocation vibrante de la grande Martha Argerich ? Une femme part-elle au petit matin, abandonnant mari et deux enfants ? Une femme devient-elle folle ? Et si oui, le devient-elle parce que ceux qu’elle aime sont morts dans un accident de ski ? On n’en saura rien, et finalement cela n’a que peu d’importance au regard de ce qui se joue, à tous les sens du terme puisque le réalisateur, de plus en plus talentueux, a voulu honorer la musique d’abord en pensant à Verlaine, l’amour entre deux êtres, et les mystères de la vie et de la mort qui s’entrelacent sans délivrer leur secret.

Entre rêve et réalité

Ainsi que le dit si bien Fabien Lemercier dans Cinereupa, « tout le dessein du film est justement de jouer au chat et à la souris avec le secret et l’inventivité, voyageant dans toutes les dimensions temporelles sans qu’elles ne soient étanches, créant des boucles et des ponts, des montagnes enneigées à la mer, des autoroutes aux zincs des bars où la protagoniste épanche son mal-être, confuse et enivrée, car sa vie a radicalement changé, comme si elle avait dormi trop longtemps et qu’elle se réveillait, princesse au printemps. »

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Durée : 97 mn


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