Scoop

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La France est un drôle de pays qui brûle ses idoles après les avoir adorées. Il en va ainsi pour ce pauvre Woody Allen qui, encensé d´une manière plus qu´exagérée par tous les médias au moment de la sortie de Tout le monde dit I love you, se voit maintenant voué aux gémonies par une […]

La France est un drôle de pays qui brûle ses idoles après les avoir adorées. Il en va ainsi pour ce pauvre Woody Allen qui, encensé d´une manière plus qu´exagérée par tous les médias au moment de la sortie de Tout le monde dit I love you, se voit maintenant voué aux gémonies par une grande partie de la critique qui entend dicter ses goûts et ses couleurs à un public qui aurait de plus en plus tendance à s´en soucier comme d´une guigne, et on le comprend aisément. Bref, après cette entrée en matière, parlons du film et osons le dire tout de go : Scoop est un bon film, dans la lignée du précédent Match Point.

Scoop reprend des thèmes chers au cinéaste new-yorkais qui semble avoir retrouvé une seconde jeunesse en découvrant Londres et surtout la jeune et belle Scarlett Johansson dont il ne tarit pas d´éloges, et on le comprend. Il faut dire que, dans ce film, elle parvient à retrouver la grâce et la présence à la fois désinvolte et charismatique de Diane Keaton, mais surtout de Mia Farrow. C´est avec cette dernière qu´elle aurait le plus de points communs, même si le côté évanescent et torturé semble avoir été gommé pour laisser plus de place à la vie et à la sérénité. Cependant, en regardant Scoop, film comique par excellence, on ne peut s´empêcher de penser à Broadway Danny Rose, à Meurtre mystérieux à Manhattan et à l´épisode Le complot d´OEdipe du film collectif New York Stories.

Du premier, Broadway Danny Rose, il a le côté farfelu et faussement foutraque qui présente le milieu du show-business sous des dehors ringards et fantasques (qu´on retrouvera en quelque sorte avec le couple de fabricants de cookies dans Escrocs, mais pas trop). Du second, Meurtre mystérieux à Manhattan, il a conservé en quelque sorte l´intrigue, entre Agatha Christie, sir Alfred Hitchcock et Enid Blyton (vous savez, le Club des cinq !), une intrigue pseudo-policière qui réunit un couple de doux dingues à la recherche d´un meurtrier insoupçonnable, sauf qu´ici le meurtrier est un play-boy de la haute. Quelle bonne idée d´avoir revisité le mythe de Jack l´Éventreur dans Scoop et d´en faire le fils d´un lord ! Et enfin, du troisième, Le complot d´OEdipe, il a pris le côté thanatologique en nous présentant la vie en équilibre sur le dos de la mort, une vie qui laisse une grande part à l´imagination, à la magie et à la prestidigitation. Dans Le complot d´OEdipe, c´est la mamma juive qui disparaît à cause (ou grâce aux !) des manipulations d´un prestidigitateur de music-hall. Ici, c´est en tentant de faire disparaître une belle et plantureuse jeune Américaine que Woody, dans le rôle d´un Houdini (sous le pseudo de Splendini) tocard de caf´ conc´, fera apparaître un journaliste réputé et mort vivant qui va les mettre sur la piste d´un scoop, d´où le titre.

Sans aller jusqu´à l´enthousiasme, mesuré toutefois mais enthousiasme qu´il faut quand même bien souligner, de Philippe Azoury qui, dans Libération du 1er novembre 2006, titre sur << La mort en farce >>, on pourrait effectivement penser aussi que ce film donne à méditer sur la mort. En effet, il ne s´agit pas que de comédie. Cependant le propos de Woody Allen est tout de même de nous faire rire de la mort à la manière des stoïciens et ça tombe bien, le film (hasard du calendrier) sort en France le jour de la Toussaint.

Nous faire rire même, et y compris, de sa propre mort : le magicien halluciné qu´il incarne, va mourir à la fin dans un accident grotesque au volant d´une voiture jouet, parce qu´il confond sa droite et sa gauche. Il se retrouve alors au pays imaginaire des morts, présenté comme une décor de Bayreuth, à continuer de faire ses tours de magie à deux balles pour un public toujours émerveillé, comme les enfants. Image, magie, on le sait voici une anagramme : et Woody le sait bien, lui qui s´émerveille de la luminescence de son actrice fétiche, comme Fellini devant son Anita, allant même jusqu´à déclarer lui aussi : << Elle irradie le plateau par sa seule présence, elle déborde d´énergie et répand autour d´elle une ambiance totalement positive. >>

Il y a fort à parier que ce Scoop ne sera pas prémonitoire et que le cinéma et sa magie ne sont pas morts, n´en déplaise à certains. Woody nous réserve encore d´autres bonnes surprises où la mort sera présentée encore une fois << comme ce numéro de trop qui n´aurait pas fonctionné >>, ainsi que l´écrit si bien Philippe Azoury. Mais justement, on en redemande : qu´il nous fasse encore rire avec le masque monstrueux de la camarde, dont on ne voit jamais le visage mais qui nous laisse bien voir qu´elle aussi est en carton-pâte. Vive la vie, semble nous dire ce film sur la mort ! Et c´est jouissif !

Titre original : Scoop

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Durée : 96 mn


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