Rock Hudson – Portrait d’une légende (Mediabook 10 Blu-ray, Livret 96 pages), Elephant films, paru le 30/09.

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Il était une fois Rock Hudson

Elephant Films nous convie, via un coffret éclectique et un livret précieux, à une rétrospective autant qu’une redécouverte d’un acteur légendaire- celui, notamment de Géant (Giant, 1956) ou des mélodrames de Douglas Sirk – dont la vie demeura un masque officiel et la fin une tragédie liée à une maladie frappant violemment les années 80. Ce coffret regroupant dix films nous donne l’occasion et le plaisir de redécouvrir un acteur aujourd’hui, estimons-nous, oublié d’une majeure partie des mémoires cinéphiles. Et pourtant, Rock Hudson (1925-1985) devint l’un des emblèmes de cette période désormais lointaine du Hollywood des années 50 où les jeunes talents tentaient leur chance, épaulés par leur physique et des agents perspicaces !

Né sous le nom de Roy Harold Scherer Jr. dans une famille modeste et instable de l’Illinois, trouvant une échappatoire dans les salles obscures, engagé volontaire en 1943 dans les marines, exerçant plusieurs petits boulots avant de se rendre là où ses rêves d’enfant le menaient, Rock Hudson connut une ascension fulgurante à Hollywood grâce à son agent Henry Willson, qui lui trouva son pseudonyme aux sonorités et connotations percutantes (« Rock », le rocher ; « Hudson », un long fleuve parcourant New-York et le nord-ouest des States). Hudson, sous l’égide voire la férule de son pygmalion Willson, fut en quelque sorte métamorphosé en gendre idéal au physique et au comportement dignes d’un hétérosexuel s’attirant les regards (et les fantasmes) des spectatrices d’alors.  Une star fabriquée, dont l’apparence lisse cache une sensibilité et une existence aux antipodes des normes d’un prétendu âge d’or du cinéma. En effet, son changement de patronyme devient l’équivalent de sa modification existentielle : Hudson mènera une double vie, cachant son homosexualité tout en devenant une icône romantique, et entretiendra des relations discrètes, tout en maintenant une image publique attendue, avec mariage et couples formés et façonnés médiatiquement avec des starlettes ou des actrices confirmées.

Les films présents dans ce bel objet sont :  Iron Man (1951), La Légende de l’épée magique (The Golden Blade, 1953), Le Secret magnifique (Magnificent Obsession, 1954), Confidences sur l’oreiller (Pillow Talk, 1959), Le Rendez-vous de septembre (Come September, 1961), L’Homme de Bornéo (Spiral Road, 1962), Le Sport favori de l’homme (Man’s Favorite Sport, 1964), Étranges compagnons de lit (Strange Bedfellows, 1965), Les Yeux bandés (Blindfold, 1966), et Tobrouk, commando pour l’enfer (Tobruk, 1967). Même si Rock Hudson poursuivit, malgré un fléchissement, une carrière plus qu’estimable jusqu’à sa mort, avec des succès télévisés, les films des années 70-80 ne furent jamais à l’aune des longs-métrages signés par des réalisateurs de prestige tels que Douglas Sirk, Howard Hawks, Robert Mulligan, ou Arthur Hiller. Rock Hudson demeure en majorité une icône hollywoodienne des années 50-60 dans des mélodrames, des comédies romantiques, des films noirs, ou de guerre, ou d’aventures. L’acteur, au fil du temps et des productions, se transforme en jeune premier robuste, puis en sex-symbol, voire en être torturé, ou en séducteur maladroit ou mené par les partenaires féminines, dans des mises en scènes typiques de ces deux décennies 50-60 : musique, décors, cadres, vêtements, dialogues respirent l’élégance surannée quoique efficace des œuvres de cette époque. Entouré d’autres vedettes (Jane Wyman, Claudia Cardinale, Doris Day, Gina Lollobridgida, George Peppard, Jeff Chandler, Gena Rowlands), Rock Hudson y déploie, contrairement à ce que d’aucuns alléguaient de son vivant, un éventail dramatique d’une grande qualité, voire subtilité, entre sourire et mélancolie, fougue et placidité, virilité et fragilité. Un alliage, une opposition que reconnut d’emblée son mentor cinématographique Douglas Sirk, qui tint d’ailleurs ces propos sur sa conception du métier de cinéaste  : « La caméra voit ce que l’humain ne peut détecter. »  Sirk et Hudson (qui reconnut sa dette envers le réalisateur) collaborèrent pour une poignée de films allant du western aux mélos flamboyants constituant la quintessence et le sommet, peut-être, du parcours artistique de l’acteur, comme Le Secret magnifique (Magnificent Obsession, 1954). Sans pour autant considérer comme quantité négligeable, bien au contraire, des films certes plus normatifs, mais filmés avec dynamisme et interprétés avec beaucoup d’allant, de charme, et d’humour, tels Confidences sur l’oreiller (Pillow Talk, 1959), début d’un partenariat à succès avec Doris Day,  Le Sport favori de l’homme (Man’s Favorite Sport, 1964), un Howard Hawks retrouvant quelquefois des accents de screwball comedies, Les Yeux bandés (Blindfold, 1966), une comédie d’espionnage que nous apprécions tout particulièrement et dans laquelle le tandem Hudson-Cardinale nous réjouit et, maintenant, émeut. Tobrouk (Tobruk, 1967), film de guerre original, permet à Hudson et Peppard de s’épanouir dans une tonalité, un entre-deux qui leur convenait parfaitement, entre action et intériorité.

Le livret rédigé avec brio par Adrien Gombeaud (auteur d’un magnifique livre consacré à Rock Hudson : Géant. Vie et mort de Rock Hudson. Nous en reparlerons) et Denis Rossano explore plusieurs thèmes et domaines avec moults analyses filmiques ou biographiques, enrichies par des illustrations étayant leur texte. Les suppléments, par exemple ceux de Jean-Pierre Dionnet, un passionné qui nous manque à la télévision, complètent à la perfection les multiples qualités de cette édition de référence.

Rock Hudson – Portrait d’une légende. (Mediabook 10 Blu-ray + Livret 96 pages. Paru en septembre 2025 chez Elephant Films.)

Contenu : 10 Blu-ray, et un livret de 96 pages. Texte inédit de Denis Rossano, et des extraits du livre Géant, Vie et mort de Rock Hudson d’Adrien Gombeaud (Éditions Capricci). Durée : 900 minutes.

Suppléments : Les films par : Jean-Pierre Dionnet, Nachiketas Wignesan, Frédéric Mercier, Julien Comelli – Portraits de : Rock Hudson, Douglas Sirk, Doris Day, Robert Mulligan – Documentaires : Au lit pour confidences sur l’oreiller, les films de Doris Day & Rock Hudson – Bandes-annonces.

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