Retour sur My Soul to Take

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Retour sur une oeuvre mésestimée.

C’est affublé de quelques casseroles que l’avant-dernier film de Wes Craven est arrivé en France il y a une semaine. Craven passant par ailleurs pour grabataire depuis maintenant quelques années, My Soul to Take n’était pas le moins du monde attendu. Mal distribué (13 salles en France en première semaine), globalement mal reçu par la critique, et, disons-le, mal-aimé, il s’apprête à quitter les rares écrans qui l’auront accueilli sans avoir eu réellement sa chance, et ce dans une quasi indifférence. Il y a pourtant bien des choses à voir dans ce film qui n’est pas sans beautés.

Adolescences inquiètes

Premier point : le cinéaste laisse ici de côté la tonalité ironique devenue ces derniers temps l’une de ses marques de fabrique (un peu lassante par moments). Il parvient au contraire à faire exister une atmosphère tenant en équilibre entre moments carnavalesques (l’ouverture du film sur les derniers moments du tueur, les meurtres, l’épique exposé sur le condor…) et installation d’une inquiétude autour du retour d’un tueur sanguinaire – l’Éventreur de Riverton – seize ans après sa disparition (sa mort ?). L’utilisation de quelques motifs – une forêt brumeuse, un pont gigantesque qu’il faut franchir pour se rendre en ville, un costume de croque-mitaine façon vieil épouvantail… – associée au schéma scénaristique de base du slasher (duquel il faut savoir ne pas attendre trop de merveilles) lui permet de mettre en branle dès le premier quart d’heure une dynamique éveillant terreurs enfantines et propageant à travers les corps adolescents des sept personnages nés le jour de l’hypothétique mort du tueur le souffle d’un dérèglement trouvant son origine dans les conséquences de ce même évènement et les secrets édifiés autour par la communauté de Riverton. C’est le fameux retour du refoulé qui fait son œuvre, et que le cinéaste parvient à rendre sensible par le jeu des images tout en s’appuyant une mythologie teintée de légendes haïtiennes et de métempsychose.

Dans une version du film qui n’a finalement pas été conservée, on découvrait que chacun des « sept de Riverton » avait été, sous l’emprise de l’âme survivante de l’Éventreur, à tuer au moins une fois. On aurait aimé voir cette version qui semble a priori plus cohérente avec les développements stylistiques du film. L’argument conservé est en définitive le suivant : l’âme de l’Éventreur n’aurait-elle pas migré au moment de sa mort en direction d’un des sept nouveau-nés ? Ou bien est-il toujours vivant ? La porosité des corps est donc l’enjeu plastique autour duquel le film se structure, et d’où émanent les émotions : angoisse, peur, empathie… Elle donne lieu à des scènes fortes et particulièrement bien tenues, tant du point de vue de l’interprétation (excellente, ce qui est une surprise pour un film de ce calibre) que de la mise en scène. Les quelques plans montrant « Bug », l’un des ados, se mettant spontanément à imiter à la manière d’un miroir gestes et postures de son copain Alex est un sommet de trouble et d’étrangeté. Plus tard, un spectaculaire exposé sur le condor californien par les deux mêmes garçons installe également les prémices de l’expression des incertitudes identitaires rythmant le film. Les personnalités deviennent des flux. Leurs mises en mouvement, données comme prolongements des tourments de l’adolescence, génèrent une angoisse et un suspense qui dynamisent le film.

Au final, My Soul to Take fonctionne et touche parce qu’il mise tout sur la puissance de ses images et de sa mise en scène, parce qu’il s’attache à faire naître perceptions et émotions par les moyens du cinéma avec une certaine dextérité. On pourra y voir en somme tout le contraire de ce qui se trouve, par exemple, déployé dans le dernier Nolan, film imprégné d’ambitions démonstratives et symbolistes, mais qui laisse la ferme impression que personne ne s’est à un seul moment intéressé au filmage ni au montage, en tous cas pour ce qui concerne la part sensible de la chose. My Soul to Take, auquel on pourra toujours reprocher quelques imperfections et une fin ratée, suit le chemin inverse, partant de peu pour finalement offrir beaucoup.

Titre original : My Soul To Take

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Durée : 107 mn


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