La Chevauchée des bannis

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Belle ressortie pour ce classique fascinant et singulier du western américain.

La Chevauchée des bannis participe à l’évolution du western américain des années 50 où le manichéisme d’antan (qui put déjà être bousculé dans des films précurseurs) se diluerait pour une plus grande ambiguïté de ses personnages. La frontière entre « bon » et « méchant » se ferait plus floue notamment dans des films comme Vera Cruz de Robert Aldrich (avec son Burt Lancaster rigolard, sympathique et vrai meurtrier) ou à travers les personnages torturés et ambigüs de La Ville abandonnée de William A. Wellman. Tout comme le film de Wellman, le décor a une importance fondamentale dans La Chevauchée des Bannis où l’ambiance hivernale et les paysages enneigés du Wyoming confèrent une tonalité singulière à ce western.

L’épure de cet environnement répond à celle du cadre où évoluent les personnages, un village coupé de toute civilisation par ce rude hiver. Les enjeux sont tout aussi restreints au départ avec un conflit opposant l’éleveur Blaise Starrett (Robert Ryan) aux fermiers locaux ne souhaitant plus lui accorder le passage sur leur terre. Ce conflit en cache un autre plus secret puisque Starrett entretient une liaison avec l’épouse (Tina Louise) du plus acharné de ses ennemis. L’affrontement semble inévitable mais il est stoppé par l’irruption d’un danger plus vaste avec l’arrivée d’une troupe de soldats renégats en fuite, qui vont prendre le village en otage. Ce minimalisme va permettre de dresser un portrait des deux personnages principaux dont la situation réveille les vieux démons. Starrett voit dans les preneurs d’otages un miroir de la propre brutalité dont il est capable et va se remettre en question, tandis que le meneur des bandits incarné par Burl Ives, affaibli par une blessure et hanté par le souvenir d’un massacre inutile qu’il ordonna, ne souhaite plus se rendre responsable d’un tel chaos.

 

De Toth contrebalance la complexité de ses deux héros avec des acolytes traités dans toute leur simplicité rugueuse, avec un casting riche en mines patibulaires et qui occasionne nombre de séquences dérangeantes comme cette danse improvisée où des femmes sont soumises à leur regard libidineux et gestes déplacés. La neige et sa blancheur immaculée (superbe photo de Russell Harlan) fera office d’élément purificateur pour ces hommes, avec une longue et intense traversée finale où seules les âmes innocentes, ou sur le chemin du repentir, échapperont à la punition de ce froid implacable. Une des grandes réussites de De Toth qui en réalisera un pendant plus cynique avec son avant-dernier film Enfants de salauds (où un commando affronte cette fois la chaleur et l’immensité du désert tout en s’entre-déchirant) et qui nourrira sans doute l’inspiration de Sergio Corbucci pour Le Grand Silence, autre fameux western enneigé.

Titre original : Day of the Outlaw

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Durée : 92 mn


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