Réalisé en 1936, c’est-à-dire en plein milieu de la période anglaise de Hitchcock, entre Les 39 marches et Agent secret, Quatre de l’espionnage (Secret agent, à ne pas confondre avec le titre français de Sabotage) se présente comme un « thriller » au ton tragi-comique.
L’intrigue est intéressante, Quatre de l’espionnage se réclamant clairement du genre des films d’espionnage. L’histoire est celle de Robert Ashenden, agent secret dont la nouvelle mission est d’éliminer un espion allemand. Il est accompagné dans son périple par Elsa, jeune femme dont il tombe amoureux, et par « Le Général ». Mais il se trompe de cible et tue un innocent touriste.
Deux thèmes très caractéristiques de l’œuvre du cinéaste se retrouvent dans Quatre de l’espionnage. Tout d’abord, comme de nombreux personnages des films d’Hitchcock, le héros de Quatre de l’espionnage doit changer et cacher son nom afin pour parvenir à ses fins. Mais ce périple est également l’occasion pour lui de découvrir quelque chose de plus profond sur sa propre identité. En outre, personne n’est ce qu’il prétend être ; cette idée de subterfuge est décelable dès la première séquence qui nous montre un cercueil que l’on découvre… vide. Enfin, quelques éléments mineurs seront repris dans des films ultérieurs : la description d’un monde chaotique où les valeurs morales ont périclité ; le thème du sexe et la relation homme – femme ; les oiseaux, qui volent à l’extérieur et qui annoncent le chaos qui règne à l’intérieur.
Le personnage d’Elsa est fort déroutant et pas vraiment convaincant. Au début du film, elle nous apparaît comme une assistante enthousiaste. « Je voulais du suspense, de l’aventure, du risque, du danger, et peut-être même un peu plus », dira-t-elle pour expliquer les raisons qui l’ont poussée à se lancer dans l’aventure. Elle trouve la situation particulièrement excitante, alors qu’Ashenden lui est beaucoup plus sur la réserve : « Il s’agit d’un meurtre et vous appelez ça une partie de plaisir ! ». Mais brusquement et contre toute attente, l’attitude d’Elsa change : « Finalement, je n’aime pas voir les meurtres de si près ». Elle affirme que les contingences politiques ne valent pas un meurtre. « C’est un meurtre ! J’aimerais mieux vous voir morts que de voir ça », s’exclame-t-elle. Que penser d’un tel revirement de situation ? Est-il vraiment crédible ? Il aurait en tout cas nécessité plus de finesse, notamment dans la description psychologique du personnage d’Elsa.
En outre, le début se révèle poussif et la gestion du suspense tout au long du film est décevante. Quatre de l’espionnage est trop linéaire et pas assez tendu, jamais il ne parvient à faire monter l’intensité et à nous faire frémir. Les décors sont tellement kitch qu’ils en deviennent risibles. La réalisation n’est pas forcément plate, mais certains effets se montrent étonnamment faciles. Peter Lorre, dans un rôle qui ne lui convient pas, en fait des tonnes. Les retournements de situation sont un peu tirés par les cheveux, et l’histoire d’amour se révèle plutôt pathétique. Le dénouement, pour finir, laisse dubitatif.
A part quelques plans novateurs (attaque des avions sur le train), quelques bonnes idées (message suivi sur la chaîne de montage dans l’usine allemande), Quatre de l’espionnage est l’un des films les plus faibles de la période anglaise de Hitchcock. On l’oubliera donc facilement…