Police Fédérale, Los Angeles : coffret Ultra Collector DVD/Livre

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Film de son temps, « Police Fédérale, Los Angeles » continue encore aujourd’hui de communiquer sa sombre fièvre de « faussaires ». Retour avec la publication d’un riche coffret dédié.

« Police fédérale doit être revu aujourd’hui, comme un film déjà miné par le fake, qui a eu la lourde tâche de se mesurer à l’esthétique publicitaire de l’Amérique reaganienne et aux mirages de son discours, et qui a poussé, sur le terreau ingrat de son époque, comme un fruit aberrant. » Jean-Sébastien Massart (p.31)

« It’s all about fake ! »

C’est ainsi que s’exclame le cinéaste William Friedkin dans le making of de son film Police Fédérale, Los Angeles, dernier numéro de la collection coffret ultra collector créée par Carlotta et première plongée de cette série dans les années 80 (1985). « Tout est faux » (comme l’intitule également le livre qui accompagne ce coffret : « Eloge du faux-semblant ») semble donc être le postulat de ce film fiévreux aux chromes rosés et pop de son temps, contorsionné entre l’action movie pur, glorifiant le mâl(e) viril des années Reagan, tout en ne laissant aucun doute sur ses pulsions destructrices et son tempérament corrompu, et un nihilisme qui n’a pas usé ses années. Il suffit de revoir l’ouverture du film pour saisir à quel point celui ci, bien que marqué par son époque, persiste à intriguer et à envoûter par ses ambivalences, ses ambiguïtés, son goût amer derrière les sunlights de Los Angeles et la musique électronique enivrante de Wang Chung. Elle met en scène la machine extrêmement bien huilée de protection policière du Président des Etats-Unis : le drapeau américain claque depuis une voiture de sécurité rutilante, l’agent Jim Hart (Michael Greene), cheveux doucement gominés et lunettes d’aviateur, costume sombre élégant, figure de sécurité altière, minutieuse et ultra professionnelle, s’active dans le décor d’une Amérique triomphante. C’est pourtant ce même homme qu’on retrouvera, quelques scènes plus loin, en tenue de civil, au fond d’une poubelle rouillée dans un terrain vague peu reluisant, assassiné salement. Le long métrage est prémonitoire et on pressent déjà que l’aigle de la sécurité nationale américaine sera victime de sa propre identité de charognard…
 


« In this world nothing can be said to be certain, except death and taxes »
(Benjamin Franklin)

Derrière sa colométrie lumineuse, Police Fédérale, Los Angeles, magnifiquement éclairé par le chef opérateur Robby Müller (dont on retrouve certaines teintes de vert et de rouge qui étaient déjà restées sur nos rétines au visionnage de Paris, Texas – Wim Wenders, 1984), répand un sombre et cynique venin, à travers ses personnages : d’un côté l’agent Richard Chance (William Petersen), incarnation de l’homme qui agit, mais qui sera damné comme les autres, et de l’autre, l’artiste machiavélique androgyne (Willem Dafoe), figures qui se rencontrent et finissent par se confondre, comme une anamorphose ; à travers son décor, un Los Angeles que William Friedkin voulait « dépeinte comme un immense terrain vague, gangrené par la violence et le cynisme sous un soleil brûlant. » (p.41). « Tout le monde est possédé dans le cinéma de Friedkin » écrit Thomas Aïdan (p. 11) et une forme de pari méphistophélique avec la vie plane sur la ville californienne comme sur ses habitants. Les « faux-vivants » (Nicolas Tellop, p.105) qui peuplent le long métrage gardent intact leur élan de perdition, sous couvert d’ambitions détournées (la fabrication de faux billets pour Rick Masters, la vengeance d’un confrère par Richard Chance) et leur apparition, comme l’oeuvre entière, échappent aux catégories et à un seul dessein post moderniste qui en a figé bien d’autres.
 

Ce sont les singularités de ce film autour desquelles un collectif de La Septième Obsession réfléchit à travers une série de petits essais, entreprenant de donner quelques clés à l’appréciation et à une approche approfondie de l’oeuvre : Jean-Sébastien Massart revient sur le contexte de production du film et plus largement la filmographie de William Friedkin ; Loris Hantzis émet l’intéressante hypothèse du personnage d’Eric Masters (Wilhem Dafoe) comme miroir du cinéaste ; tandis que Noémie Luciani s’attache à analyser la place du spectateur dans l’œuvre et à sa position privilégiée de voyeur ; Nicolas Tellop fait lui un beau parallèle avec l’idée de « faux-monnayeurs », empruntée à l’écrivain André Gide, tandis qu’Alexandre Jourdain égraine avec profondeur quelques motifs du film à l’appui d’un « gouffre baudelairien ». Enfin,  Pascal Français se focalise sur la masculinité du film et la place regrettablement effacée des femmes dans les films de William Friedkin.

Ce coffret contient :
 

Un livre de 160 pages
Le Film (nouvelle restauration 4K approuvée par William Klein) en DVD et Blu-Ray
Plus de 4h de suppléments :
Commentaire audio de William Klein
Le Making of de "Police Fédérale, Los Angeles" (Entretiens avec le réalisateur et les acteurs illustrés d’archives du tournage)
Les souvenirs du casting et du tournage par William Petersen
Comment Debra Feuer a obtenu son rôle après que William Friedkin l’a repérée au théâtre
Retour sur la première expérience d’acteur de Dwier Brown dans un long métrage majeur
Un entretien avec Jack Hues et Nick Feldman du groupe Wang Chung
Buddy Joy Hooker explique son travail de responsables des cascades.
Scéne coupée. Fin alternative. Spot Radio. Bandes annonces.


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