Pink Floyd – The Wall : À la découverte d’une schizophrénie psychédélique

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Un film ambitieux, inqualifiable, intemporel (un chef-d’oeuvre en somme !), qui brosse le portrait d’une douleur… vue de l’intérieur. Laissez-vous hypnotiser par ce monde chaotique, douloureux et pourtant si fidèle à une certaine réalité.

L’histoire du cinéma offre à nos yeux un certain nombre d’OCNIs (Objet Cinématographique Non-Identifié), films mythiques et pourtant peu connus, qui demeurent dans l’inconscient collectif comme la marque d’une époque, comme le reflet d’une génération. Le style de films dont tout le monde parle, mais que personne ne semble avoir vraiment vus… D’emblée émane autour de Pink Floyd : The Wall, une aura particulière, un sentiment d’inquiétante étrangeté que l’on peut attribuer à ce groupe  britannique formé en 1964. Leader de la musique psychédélique et du rock progressif, Pink Floyd se forge une renommée internationale grâce, entre autres, à ses textes philosophiques et politiques, mais aussi de par ses expérimentations sonores et ses performances scéniques on ne peut plus originales, voire parfois dérangeantes.

Proposé au départ par Roger Waters, l’album « The Wall » (1979) peint avec violence la solitude de l’artiste face à son public, tout en évoquant l’aliénation des hommes par la société. Au cours de la tournée qui suivra, l’isolement des Pink Floyd prendra une forme scénique assez inattendue, provocante et osée. Au cours du concert, un véritable mur en briques est construit, séparant ainsi le groupe de son public. En 1982, Alan Parker réalise un film autour de ce concept d’enfermement, mettant en vedette Bob Geldof dans le rôle principal de Pink. Ode véritable à l’album, Pink Floyd : The Wall a la caractéristique de ne comporter quasiment aucun dialogue : la part belle est faite aux morceaux du groupe, dans une alternance de scènes filmées (les souvenirs d’enfance de Pink se mêlant avec habilité au temps présent), et d’illustrations dessinées ; ces dernières étant l’oeuvre d’un célèbre caricaturiste satirique anglais, Gerald Scarfe.

  

Alan Parker a ainsi élaboré un dispositif filmique efficace, qui se met au service d’une gigantesque fresque peignant méticuleusement la schizophrénie du personnage en focalisation interne. La première lecture, la plus évidente, laisse d’abord apparaître les souffrances de Pink face à l’absence du père et à la surprotection de sa mère (dans « The Trial », ses bras se transforment en mur…). Une douleur causée par un tiers qui fait naître un sentiment de médiocrité vis-à-vis du monde des adultes. À la seconde lecture apparaît alors une critique plus profonde de la société, et en particulier une attaque quasi explicite contre Margaret Tatcher, qui a lancé le pays (le Royaume-Uni) dans la guerre des Malouines. La jeunesse, devant tant d’inconscience, n’a d’autre choix que de se perdre dans le rock, le sexe et la drogue.


Pink Floyd – Another Brick In The Wall
envoyé par djoik

Le mur, représentation des troubles mentaux de Pink, est la métaphore de l’enfermement schizophrénique. Il est aussi le symbole d’une forme d’asservissement social. Dans « Another brick in the wall », des enfants, dont le visage est recouvert d’un masque uniforme, défilent sur un tapis roulant industriel. Critique du système scolaire qui forme des moutons, futur public crédule qui ne saura avoir les bons rapports avec un artiste et avec son œuvre. Dans une séquence, les spectateurs acclament Pink lors de son show : croisant les bras devant eux avec les poings fermés, chacun exprime ainsi son ralliement, au milieu de drapeaux rouges et blancs sur lesquels deux marteaux se croisent pour former une croix. Une nouvelle forme de soumission… différente mais tout aussi douloureuse. Une autre dictature, violente et hitlérienne. 

Pink Floyd : The Wall a la qualité des grands films : à chaque visionnage de nouvelles choses apparaissent. Des détails inconnus, des références moins explicites, des couleurs ou des notes. Mais un sentiment demeure, fidèle et perturbant : celui de l’effroi qui naît lorsque Pink nous enferme dans son monde.

  


Titre original : Pink Floyd, The Wall

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Durée : 100 mn


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