Petit samedi

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C’est l’amour qui fait que l’on s’aime. 

(Ce film a remporté Le Grand Prix du Jury Diagonales dans la catégorie : Longs Métrages Européens.)

Lumières aveuglantes, musique techno et pas de danse erratiques : bienvenue dans les raves parties qui ont bercé la jeunesse de notre personnage. Damien Samedi est, comme il le dit lui même, un junkie. Et ce n’est pas le petit village dans lequel il vit qui dira le contraire. Oh bien sûr il est serviable Damien, il est gentil, il n’a jamais un mot au dessus de l’autre et toujours il vous sourit. Pourtant derrière la politesse de rigueur et les bonnes relations de voisinage : il y a l’héroïne, puis l’alcool aussi et la clope. Parce que c’est cela le problème avec l’addiction, à peine le temps de se jeter à l’eau qu’on en est rendu à se noyer. Alors le petit Samedi il fait comme il peut, du haut de ses 43 ans il bataille de toutes ses forces pour décrocher, pour trouver un emploi stable et aller mieux. Il veut essayer de s’en sortir pour lui et pour sa mère. Elle, qui en a sûrement besoin autant que lui. 

Le premier long métrage de Paloma Sermon-Daï est moins un film sur l’addiction qu’une ode à l’amour. Et derrière la distanciation imposée par les plans de caméra statiques on sent que s’expose à nous l’intimité d’une famille. La réalisatrice ne cherche pas à nous emmener quelque part. Elle nous ouvre à la place le champ des possibles en exposant à la manière de tableaux, des lieux. Des lieux dans lesquels des choses se passent. Le cadre a pour unique but de définir les endroits, ce qui arrive en dedans ou en dehors ne dépend que des personnages. Et si il y en a bien un qui connaît les allers et retours c’est Damien.  Allant et venant hors de l’image, hors de la vie de sa mère, hors de la drogue aussi ; il est insaisissable. Perpétuellement tiraillé entre le combat presque insurmontable qu’il mène contre l’addiction et la fantasmagorique anesthésie qu’elle lui offre, il finit par s’habituer à cet entre-deux inconfortable.

Avec Petit Samedi, Paloma Sermon-Daï livre un premier long métrage dont l’austérité à la fois de l’image et de la mise en scène sert de toile de fond parfaite à l’implosion des sentiments du duo mère et fils. La pudeur avec laquelle on les voit échanger est sacralisée par le silence qui les entoure. Cette absence de musique qui détonne avec l’immense majorité des films d’aujourd’hui, de même que ce rythme lancinant, ne va pas sans rappeler de très célèbres pairs belges : les frères Dardenne. S’il fallait retenir ne serait-ce qu’une chose de ce premier long métrage ce serait l’incroyable intensité contenue dans ce film d’une petite heure. Épargnant tout jugement sans s’interdire pour autant de disséquer la souffrance de cette famille. Damien Samedi a une sœur : Paloma. Si ce n’était pas pour l’amour, jamais Petit Samedi n’aurait vu le jour.

Article écrit dans le cadre du festival Premiers Plans.

Titre original : Petit Samedi

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Durée : 75 mn


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