Pentagon Papers

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Avec « Pentagon Papers », Spielberg atteint une lisibilité qui n’empêche aucunement la complexité.

Des idées aux hommes ; des hommes aux femmes

Dans son discours comme dans l’expression qui le porte, Pentagon Papers repose tout entier sur une exigence de clarté : narration, découpage, sujet, vision du monde – tout y jouit d’une même limpidité de cristal. L’exhumation de documents secrets dénonçant la politique américaine au Vietnam ou l’émancipation d’une femme dans l’Amérique des 70’s participent, dès lors, d’une semblable dynamique de révélation. Si l’horizon du projet, abreuvé aux préoccupations les plus actuelles, reste foncièrement didactique – défendre des valeurs, une morale -, Spielberg sait travailler la nuance à l’aide d’un panel varié de caractères. Derrière les héros et les principes, il y a des humains et des situations singuliers ; et derrière les grandes décisions, des doutes et des sacrifices : l’idéal s’éprouve à l’aune d’un certain pragmatisme, qui l’asseoit autant qu’il en tempère la portée (la fin, par-delà l’opportunisme de sa référence, ne dit-elle pas le destin sans cesse renouvelé de cette quête ?). Le portrait de femme touche également plutôt juste, car le cinéaste n’en fait pas une matière trop opportunément militante : avant le contexte de crise qui la placera face à un choix déterminant, l’héroïne est une femme en manque d’assurance, pleinement conformée au système patriarchal, et à qui échoie, à son corps défendant, un poste à hautes responsabilités.

 

De l’adulte à l’enfant ?

Si Pentagon Papers en impose par ses atours graves et engagés, parfois empesés, il brille d’un éclat plus secret dans ses replis obscurs. Au sein d’un projet dont le dialogue constitue la clef de voûte, où tout est affaire de parole à faire entendre, Spielberg démontre par des détails purement visuels la pleine maîtrise de son art : l’attention lumineuse pour un objet (ici, une boîte à chaussures contenant des documents secrets, et filmée comme un trésor ; là, un ballon qu’une petite fille attend timidement de récupérer auprès d’un adulte affairé), l’excitation fébrile d’un trajet (le plus souvent pour convoyer les précieux documents d’un lieu à un autre) – toute une gamme de mouvements et de gestes, de regards et de formes qui s’insinuent dans la trame trop attendue du film à discours. Cette évidence du trait, cette justesse du motif, leur parfaite simplicité d’exécution, ouvrent une perspective singulière, quelque chose d’étonnamment candide, dans un univers a priori si sérieux. Et si l’enfance, soigneusement reléguée à l’arrière-plan de l’intrigue, faisait secrètement battre le coeur de ce Pentagon Papers ? Au fond, la finalité première du combat des adultes n’est-elle pas la préservation des générations futures ? Et cette tension, cette excitation magistrales qui étreignent le film à ses meilleurs moments, ne ramènent-elles pas aussi à ce plaisir premier de la fiction, et à la croyance insouciante – osons-le dire, enfantine – qui la soutient ?

Titre original : The Post

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Durée : 115 mn


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