Palmarès Ciné 2016

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L’année touche à sa fin : voici venue l’heure traditionnelle des bilans. Petite revue des films les plus marquants de 2016 selon nos rédacteurs.

Exercice délicat, renouvelé tous les douze mois comme un rituel : le bilan des meilleurs films de l’année. D’entrée de jeu, on ne se cachera pas d’une certaine perplexité. Au-delà du caractère forcément subjectif et partial de l’exercice, comment garantir qu’un tel regard rétrospectif saura faire ressortir des lignes de force autres qu’artificielles ou contingentes ? Nous allons tout de même tenter de relever cette gageure, ne serait-ce que pour profiter de l’occasion toujours plaisante de se poser, se remémorer (le cinéma et la cinéphilie ne sont-ils pas d’abord question de mémoire ?) et dessiner à grands traits les contours d’une année cinéphilique indiscutablement riche.

Cela dit, force est de constater que tous les beaux films qui ont parsemé l’année 2016 s’assemblent davantage, à l’heure du bilan, comme une nébuleuse diffuse que comme un rayonnement autour d’un soleil central. Aucun vrai consensus n’a émergé des votes de nos quatorze rédacteurs. Et pourtant, les tops et flops individuels, pris isolément, affichent une réelle cohérence. Cette marque de diversité entre nos rédacteurs – certes sensible chaque année – constitue assurément une bonne nouvelle pour notre webzine, qui a toujours autant promu l’exigence que l’éclectisme ; ainsi se consolera-t-on de l’émiettement des voix, et du nombre élevé de films relégués au seuil du classement alors qu’ils y méritaient certainement une place – qu’il suffise de citer Toni Erdmann (Maren Ade), Mademoiselle (Park Chan-wook), Elle (Paul Verhoeven), Frantz (François Ozon), ou Manchester by the Sea (Kenneth Lonergan)

Faisons les comptes : quatorze votants et aucun film rassemblant plus de six voix à lui seul. Soit, pas la moindre majorité absolue ni même simple. Tout juste constate-t-on un certain consensus autour d’un trio de tête américano-brésilio-coréen. Pas loin derrière, un autre trio, américano-franco-chinois celui-là. Enfin, quatre autres films, essentiellement anglo-saxons. Pour départager les nombreuses égalités en nombres de voix, il a fallu pondérer le classement en fonction des ordres de préférence des tops individuels – ce qui ne nous pas empêchés de constater, à la septième place, un ex aequo parfait.

Nos trois favoris, Aquarius, The Strangers et The Neon Demon, ont été réalisés respectivement par un Brésilien, un Coréen et un Danois. Un tel podium dessine un beau spectre géographique, où apparaissent les linéaments d’un cinéma d’auteur mondialisé et en fin de compte assez peu formaté, tant les approches formelles divergent d’un cinéaste à l’autre.

Quoi de commun entre ces trois films ? D’abord, peut-être, le fait qu’ils s’inscrivent dans une histoire. Ils apparaissent comme les héritiers, conjointement respectueux et audacieux, d’une certaine cinéphilie. Les trois réalisateurs, tous quadragénaires, appartiennent à une même génération et puisent une bonne part de leur inspiration dans des archétypes du cinéma des années 1970. Archétypes narratifs ou formels – les scènes frénétiques d’exorcisme de The Strangers, les zooms fascinants d’Aquarius, la colorimétrie rutilante de The Neon Demon – soigneusement modernisés et dépourvus de toute nostalgie mortifère. Au contraire, ces films nous parlent du monde présent, y dessinent d’haletantes trajectoires solitaires, et s’affirment comme des kaléidoscopes interprétatifs, avec leur foisonnement de sous-textes politiques, sociaux, psychologiques et esthétiques. De plus, l’indéniable part morbide de chacun de ces films se retrouve amplement contrebalancée par la vigueur plastique de leur mise en scène – souvent mobile, colorée, sensorielle, parfois profondément jouissive. Notons enfin que chacune de ces œuvres se caractérise par un élément horrifique, volontiers hystérique dans The Strangers et The Neon Demon, moins explicite mais tout de même sournoisement actif dans Aquarius (la maladie, la mutilation, les termites qui rongent l’immeuble). Il n’est pas interdit d’y voir un écho suggestif du monde où nous vivons, tout de façade, de consumérisme béat, mais aussi de convulsions et d’horreurs plus ou moins soigneusement enfouies. De quoi nous rappeler à quel point les mondes intérieurs, les fantasmes personnels, les tropismes les plus intimes, sont susceptibles d’entrer en résonance, dans les meilleurs films, avec les grandes inquiétudes collectives.

Les films suivants du palmarès ne sont pas en reste. On se réjouit de leur variété. Tous, sauf peut-être le Ken Loach – mais il possède d’autres vertus – se signalent par leur ambition plastique. Même Julieta, moins baroque que la plupart des précédents Almodovar, est émaillé de discrètes audaces narratives et visuelles, au service d’une émotion qui culmine dans son ultime plan. Aux antipodes, The Assassin s’impose comme un long métrage aussi flamboyant qu’à rebours des goûts de l’époque – et donc, à sa manière, éminemment contemporain. Plus bas dans le classement, mais pas si loin dans nos cœurs, le dernier Tarantino a peut-être autant clivé la rédaction que le Hou Hsia-hsien et The Neon Demon. Avec son filmage en 70mm qui ne saurait se réduire à un simple et maniériste exercice de style, Les Huit Salopards propose une relecture théâtrale et fétichiste des westerns spaghettis d’antan, sur fond d’un discours politique sur la nation américaine encore plus pertinent qu’on ne le soupçonnait de prime abord (l’élection de Donald Trump ne fait-elle pas d’une certaine façon écho au cinglant constat de division nationale développé dans le film ?). Enfin la splendeur picturale du troublant Ma Loute – vendu à tort comme une comédie populaire et burlesque – et la photographie frémissante du très beau Carol laisseront à coup sûr des souvenirs durables chez leurs spectateurs. Cette capacité de rémanence est une marque des grands films, voire leur caractéristique première. Gageons qu’elle constitue un fil directeur de la liste ci-dessous.

Il est temps désormais de dévoiler le détail de nos tops collectif et individuels, que ce soit pour s’en étonner, s’en irriter ou s’en réjouir – après tout, seuls comptent les films, les palmarès passent. Toute l’équipe d’Il était une fois le cinéma vous souhaite de joyeuses fêtes de fin d’année !

 

Top 2016 de la rédaction :

1) Aquarius (Kleber Mendonça Filho)

2) The Strangers (Na Hong-Jin)

3) The Neon Demon (Nicolas Winding Refn)

4) The Revenant (Alejandro González Iñarritu)

5) The Assassin (Hou Hsiao Hsien)

6) Ma Loute (Bruno Dumont)

7) Julieta (Pedro Almodovar)

7) ex aequo : Moi, Daniel Blake (Ken Loach)

9) Carol (Todd Haynes)

10) Les Huit Salopards (Quentin Tarantino)

Les tops individuels :

Alexandre Jourdain

Le plus polymorphe : Aquarius, de Kleber Mendonça Filho
Le plus fou : Rester vertical, d’Alain Guiraudie
Le plus maîtrisé : The Assassin, de Hou Hsiao-hsien
Le plus tragi-comique : Ma loute, de Bruno Dumont
Le plus hypnotisant : The Neon Demon, de Nicolas Winding Refn
Le plus déchirant : Julieta, de Pedro Almodovar
Le plus juste : Brooklyn Village, de Ira Sachs
Le plus chabrolien : Elle, de Paul Verhoeven
Le plus réflexif : Les Huit salopards, de Quentin Tarantino
Le plus ductile : The Strangers, de Na Hong-Jin

Bonus :
Visite ou Mémoires et confessions, de Manoel de Oliveira – le plus nostalgique
Westworld – série la plus composite et immersive depuis Lost et The Leftovers.

Alexis de Vanssay

1) The Revenant (Alejandro González Iñarritu). Epoustouflant
2) In Jackson Heights (Frederick Wiseman). Le melting pot new-yorkais filmé par le grand maître du cinéma direct. Admirable.
3) Julieta (Pedro Almodovar). Almodovar est décidemment un très grand.
4) Moi, Daniel Blake (Ken Loach). Loach avec classe relate avec ce film la dignité bafouée d’un chômeur. Thème habituel chez le cinéaste anglais mais son traitement ici atteint des sommets dans l’émotion qu’il nous communique.
5) El Sicario : Room 164 (Gianfranco Rosi). Rosi : le doc à l’estomac !
6) Les Habitants (Raymond Depardon). Un radiographie de la France contemporaine.
7) Les Saisons (Jacques Perrin). Film de toute beauté sur la forêt.
8) Tempête (Samuel Collardey). Touchant
9) Je ne suis pas un salaud (Emmanuel Finkiel). Un Nicolas Duvauchelle intéressant
10) Steve Jobs (Danny Boyle). Jobs côté coulisses…

Antoine Benderitter

1) Aquarius (Kleber Mendonça Filho).
Magnifique portrait de femme, traversé de courts-circuits mnésiques et d’un irrésistible élan de vie, envers et contre tout
2) Julieta (Pedro Almodovar).
D’une limpidité presque classique, mais jamais académique : le plus beau film d’amour de l’année ?
3) The Revenant (Alejandro Gonzalez Inarritu).
Prouesse formelle et expérience sensitive, reflets d’une ambition dont le cinéma amérciain mainstream ne semblait plus capable
4) The Strangers (Na Hong-Jin).
Fascinant et insaisissable mille-feuilles horrifique, un grand film sur la croyance
5) The Assassin (Hou Hsiao-hsien).
D’une beauté mystérieuse et hallucinatoire, comme un météorite qui aurait filé droit du vrai 9e siècle chinois pour nous percuter
6) Poesia Sin Fin (Alejandro Jodorowsky).
Sincérité désarmante et stupéfiante vigueur d’un vieux cinéaste, au fond plus jeune que tellement d’autres
7) Manchester by the Sea (Kenneth Lonergan).
Tranquille tragédie, lente et poignante catharsis, bercée par le remugle des flots
8) Le Fils de Joseph (Eugène Green).
Etrange et limpide, souriant et énigmatique, un film radieux, solaire, imprégné d’un curieux humour théologique
9) Premier Contact (Denis Villeneuve).
Captivante réflexion sur le temps et le langage, le plus beau film de Villeneuve ?
10) Mademoiselle (Park Chan-wook).
Superbement fabriqué, presque trop, et captivant de bout en bout par ses effets gigognes néo-hitchockiens.

Bonus : Carol (Todd Haynes)

Célestin Ghinea

Ma Loute, Bruno Dumont
The Assassin, Hou Siao Sien
Elle, Paul Verhoeven
Un Jour avec, un jour sans, Hong Sang-Soo
Neon Demon, Nicolas Winding Refn
Ta’ang, un peuple en exil entre Chine et Birmanie, Wang Bing
Rester Vertical, Alain Guiraudie
Toni Erdmann, Maren Ade
The Strangers, Na Hong-Jin.

Fabien Legeron

1) The Big Short
2) The Witch
3) High Rise
4) Stranger Things
5) Rogue One
6) Bone Tomahawk
7) Ash VS Evil Dead
8) Dernier Train pour Busan
9) Kubo
10) Mr Gaga

+ Freaks

Guillaume Schaeffer

Tops
1) Midnight Spécial – dans une maîtrise visuelle et narrative au sommet, Nichols interroge la lumière comme symbole de vérité, donc la pertinence du cinéma comme art de création. Brillant et sublime.
2) L’étreinte du Serpent – sorti le 23 décembre 2015, mais pas loin d’être le meilleur film de 2016, c’est dire. Errance sans couleurs dans l’enfer amazonien, témoignage puissant de la fin d’une civilisation, et rappel de la valeur d’une sagesse ancestrale : tout y est.
3) Toni Erdmann – Film aussi sobre qu’efficace, qui promet les 2h40 les plus rapides dans une salle de cinéma cette année. Première fois que j’ai vu un homme seul pleurer au cinéma à l’heure de la pause déjeuner.
4) Kaili Blues – poétique, audacieux, culminant en un plan séquence de 30 minutes dans un village de montagne chinois
5) Dernier train pour Busan – l’anti-film de super héros américain, profondément antilibéral : poursuivre son intérêt personnel ne conduit pas au bien-être collectif, mais au massacre.
6) The Strangers – scénario torturé et forme dérangeante pour un essorage 1000 tours/minute, dont on sort heureux d’être en vie.
7) Le bois dont les rêves sont faits – une série de rencontres inoubliables au Bois de Vincennes, qui nourrit un propos passionnant sur le mode de vie urbain, les effets des lieux sur les interactions et éloignements des hommes.
8) Ma Loute – C’est beau, c’est dur, c’est drôle.
9) Green Room – Après Blue Ruin, Jeremy Saulnier confirme avec brio son goût pour l’action crade, réaliste, et le ruban adhésif renforcé. Merveilleusement angoissant.
10) Belgica – Felix Van Groeningen égal à lui même : de la bière, de la bonne musique, des acteurs aussi brillants qu’attachants, et du cinéma bigger than life. Excessif donc jouissif.
11) Bonus réédition : Belladonna. Bande-son immense, et animation à couper le souffle, une œuvre totale, violente et sombre.

Flops
1) Le Fils de Jean
2) Rester Vertical
3) The Neon Demon
4) Carol
5) The Revenant

Jean-Michel Pignol

Ma Loute (Un bijou d’intelligence et d’humour)
The Strangers (Inquiétant et fascinant)
The Neon Demon (Une nouvelle leçon de mise en scène de Nicolas Winding Refn)
–  Kubo et l’armure magique (Touchant, poétique et superbe graphiquement)
Le client (Un regard social et humain d’une grande subtilité)
La supplication (Une œuvre forte et indispensable)
Toni Erdmann (Une incroyable réussite)
Frantz (Le plus beau film d’Ozon)
Stefan Zweig, adieu l’Europe (L’Histoire à hauteur d’homme. )

Les 5 plus mauvais films en 2016  ( Parmi des films qui ont un minimum d’ambition)
Tarzan (Laid visuellement, personnages grotesques et action usante)
Nocturama (Complaisant et maniéré)
Men And Chicken (Gras et lourd)
La Danseuse (Vide et ennuyeux)
Doctor Strange (Plus kitsch que les mauvais films de science fiction des années 70, et quel gâchis d’utiliser ainsi Cumberbatch et Mikkelsen)

Josiane Martin

Elle (Atmosphère hitchochienne et délicieuse)
Le client (magistral et éprouvant)
Moi Daniel Blake (Ken Loach au sommet de son art)
Sully (Clint Eastwood et Tom Hanks au sommet)
Réparer les vivants (une leçon de vie, sans pathos exacerbé)
La danseuse (une histoire inédite, magistralement portée à l’écran)
Le fils de Jean (tout en non dit et déni – Famille je vous aime ?)
L’avenir (Isabelle Huppert, toujours et encore)
Le pont des espions (un épisode de l’Histoire magistralement filmé et interprété)

Justin Kwedi

1) Les Huit Salopards de Quentin Tarantino
2) Carol de Todd Haynes
3) Mademoiselle de Park Chan Wook
4) Everybody wants some de Richard Linklater
5) Sunset Song de Terence Davies
6) Frantz de François Ozon
7) La Tortue Rouge de Michael Dudok de Wit
7) The Strangers de Na Ho Jin
8) Aquarius de Kleber Mendonça Filho
9) Sing Street de John Carney
9) Le Garçon et la bête de Mamoru Hosoda
11) Un jour avec, un jour sans de Hong Sang Soo
12) Man on High Heels de Jing Jang
13) Ma vie de courgette de Claude Barras
14) Midnight Special de Jeff Nichols
15) Dernier train pour Busan de Sang-Ho Yeon
16) Zootopie de Byron Howard et Rich Moore/ Ma Ma de Julio Medem

Lucile Marfaing

Top 10 :
1) Carol, Todd Haynes
2) Bella e perduta, Pietro Marcello
3) Mad Love in New York, Josh & Bennie Safdie
4) Peace to us in our dreams, Sharunas Bartas
5) Le Bois dont les rêves sont faits, Claire Simon
6) Aquarius, Kleber Mendonça Filho
7) The Hateful Eight, Quentin Tarantino
8) Manchester by the Sea, Kenneth Lonergan
9) Ma Loute, Bruno Dumont
10) Paterson, Jim Jarmusch

Flop 5 :
1) Sky, Fabienne Berthaud
2) Mal de pierres, Nicole Garcia
3) Café Society, Woody Allen
4) L’Avenir, Mia Hansen-Love
5) The Sea of trees, Gus Van Sant

Marion Roset

Top :
1) Carol
2) Elle
3) Ma Loute
4) La Tortue Rouge
5) Julieta
6) Ave Cesar
7) Les Huit Salopards
8) Mademoiselle
9) The Neon Demon

Flop :
Ils sont partout : irresponsable
Remember : stupide
Alliés : accident industriel
X-Men Apocalypse : énième boursouflure Marvel
Dans le noir : scénario écrit dans le noir

Maxime Lerolle

1) The Revenant, Alejandro Iñaritu : beauté et âpreté du plan-séquence
1) ex aequo : Premier Contact, Denis Villeneuve : les grands films changent notre perception de l’existence
3) The Neon Demon, Nicolas Winding Refn : expérience formelle et morale
4) Merci Patron !, François Ruffin : une satire ravageuse et constructive
5) Midnight Special, Jeff Nichols : sublime au-delà du possible
6) Spotlight, Tom McCarthy : la vertu, la lumière et le classicisme
7) Café Society, Woody Allen : triste et beau
8) Ave, César !, Joe et Ethan Coen : le petit monde d’Hollywood (et son envers)
9) Sully, Clint Eastwood : le procès du personnage eastwoodien
10) Captain America : Civil War, Anthony et Joe Russo : quand les super-héros reviennent à la démocratie

Et pour les flops de l’année :
1) The Assassin, Hou Hsiao-Hsien : artistocrate au possible
2) Les Filles au Moyen Âge, Hubert Viel : quand le féminisme produit ses dogmes et ses clichés
3) Salt And Fire, Werner Herzog : un discours écolo en retard d’un siècle
4) X-Men : Apocalypse, Bryan Singer : rien de neuf sous le soleil X-Men
5) Juste la Fin du Monde, Xavier Dolan : après Mommy, la déception d’un cinéaste qui contemple son nombril

Sébastien Krebs

Top 10 2016
1) Paterson (Jim Jarmusch)
Léger comme une feuille de papier, doux et gracieux comme un cours d’eau, facétieux comme
le bouledogue du couple principal, le dernier Jarmusch fait partie de ces films, infiniment
précieux, dans lesquels on aimerait vivre.
2) Suite Armoricaine (Pascale Breton)
Magnifique cartographie des survivances intimes et collectives, qui conjugue le regard du
poète à la démarche du scientifique.
3) The Assassin (Hou Hsiao Hsien)
Un poème de gestes esquissés, où visages secrets et tourments intérieurs, brumes et étoffes,
échos et effleurements, se répondent en un tableau d’une pureté fascinante. L’art de l’épure
porté à son plus haut point d’incandescence.
4) No Home Movie (Chantal Akerman)
L’adieu au monde et au cinéma d’une grande artiste : un geste sans concessions, éprouvant
mais nécessaire, tout entier suspendu à une croyance – celle du cinéma comme moyen de
conjurer le néant.
5) Aquarius (Kleber Mendonça Filho)
Ponctuée de fulgurances magiques, une lumineuse oeuvre de combat, qui consacre la vie
comme puissance irrésistible.
6) Toni Erdmann (Maren Ade)
Un film d’aventurier, fait de rires et de larmes, qui parvient à transcender un concept de
départ efficace pour le convier dans des zones particulièrement instables. La finesse de
l’écriture, couplée aux génies des interprètes principaux, finit de consacrer Toni Erdmann
comme une oeuvre à part, douloureusement actuelle.
7) Homeland – Irak année zéro (Abbas Fahdel)
Œuvre-fleuve et contrechamp nécessaire au point de vue occidental, Homeland nous plonge
en immersion au milieu d’un peuple pris dans la tourmente de l’invasion américaine, via
l’approche la plus juste et universelle qui soit : celle du quotidien et de l’intime.
8) Manchester by the sea (Kenneth Lonergan)
Mélodrame littoral et rugueux, qui tire de son miraculeux équilibre de tons et de l’ampleur de
sa narration un fascinant paradoxe : si la matière première est grave, déchirante même, c’est
un sentiment de douce quiétude qui l’emporte.
9) Carol (Todd Haynes)
Une love story sous influence, qui excelle dans la peinture des sentiments, et peut compter sur
le plus beau duo d’actrices vu au cinéma de récente mémoire. La scène finale est d’une
intensité folle.
10) The Neon Demon (Nicolas Winding Refn)
En s’enroulant tout entier autour de son interprète/héroïne, le formalisme outré du cinéaste
trouve un écrin à sa (dé)mesure. En résulte une proposition audacieuse, théorique mais
incarnée, tour à tour fascinante et crispante, aux perspectives vertigineuses.
Mention spéciale : Brooklyn Village (Ira Sachs)

Flop 5 2016
1) Tu ne tueras point (Mel Gibson)
Une proposition intenable, écartelée par ses contradictions, où tout – humanisme et
patriotisme, pacifisme comme fantasme guerrier – participe d’une même dynamique, confuse
et opportuniste.
2) Salt and fire (Werner Herzog)
Ecrit, filmé et réalisé avec une absence totale de convictions, une aberration aux allures de
téléfilm, tour à tour ennuyeuse et grotesque.
3) Les premiers les derniers (Bouli Lanners)
Ambiance de fin du monde et tambouille mystique pour film empesé et d’un sérieux
monolithique.
4) Planetarium (Rebecca Zlotowski)
D’une narration confuse en passant par une mise en scène terne, Rebecca Zlotowski échoue à
convoquer les spectres de son récit autrement que par une distanciation théorique sans
saveur.
5) Nocturama (Bertrand Bonello)
Entre corporalité et abstraction, Bertrand Bonello dresse le portrait d’une jeunesse
déboussolée. Le geste se rêvait formel et politique ; il est maladroit et dévitalisé

Stéphanie Chermont

1) Moi, Daniel Blake, de Ken Loach
2) Divines, de Houda Benyamina
3) Fatima, de Philippe Faucon
4) Merci Patron !, de François Ruffin
5) Ma Vie De Courgette, de Claude Barras
6) The Revenant, de Alejandro Gonzalez Inarritu
7) Mademoiselle, de Park Chan-wook
8) Réparer les vivants, de Katell Quillévéré
9) Captain Fantastic, de Matt Ross
10) Willy 1er, Ludovic et Zoran Boukherma, Marielle Gautier et Hugo P. Thomas

Bonus 2016 : Le Fondateur, de John Lee Hancock
Bonus série : Jour Polaire (Canal+)
Bonus film à venir : Grave, de Julia Ducournau (mars 2017)


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