Il y a, d’abord, quelque chose de très réjouissant à suivre les mésaventures de Niko : qu’il doive écouter les confessions de son voisin qui ne fait plus l’amour et lui apporte d’immondes boulettes de viande, qu’il recroise une connaissance de collège – ancienne grosse qu’il maltraitait à l’époque – ou que sa carte soit avalée par un distributeur automatique, la première demi-heure du film fonctionne à plein, sorte de compilation d’anecdotes qu’on dirait tout droit sorties du site Internet “Vie de merde”. C’est cette même accumulation qui lasse vers le milieu quand tout cela, filmé en noir et blanc et accompagné d’une musique jazzy pas toujours du meilleur effet, ne semble avoir d’autre visée que de constituer une succession de vignettes. Pourtant, quelque chose se dégage finalement de Oh boy!, une mélancolie irriguée par l’extrême capital sympathie qui émane de son anti-héros. On s’amusait de ses déboires, on comprend aussi ses doutes, les déambulations dans des rues qu’on ne peut plus voir en peinture, les virées forcées avec des amis qu’on n’a jamais su quitter mais avec lesquels on n’a plus grand-chose à voir (une scène chez la grand-mère d’un dealer adolescent est, à ce titre, assez belle).
Surtout, la ville est filmée bien loin de l’image qu’on en a depuis la chute du Mur : une mégalopole en constante expansion, temple du cool et des hipsters venus du monde entier écumer ses clubs. Berlin est bien tout ça, de même qu’elle est une ville éminemment culturelle, et si Gerster s’en moque dans des séquences assez convenues de théatre conceptuel, le cinéaste la filme comme Niko l’arpente, au hasard des rues et dans ce qu’elle a de plus neutre. La Fernsehturm (tour de télévision) pointe ici et là : ailleurs, on pourrait même ne pas reconnaître la ville, tant Gerster ne s’accomode d’aucun cliché de carte postale. C’est l’aspect le plus intéressant de Oh Boy!, qui met en scène une déprime très générationelle, très de son temps (celle d’une jeune force active au chômage) dans une ville qui semble dénuée de toute chaleur humaine. Pour le reste, pas de quoi s’extasier, mais la mise en scène est suffisamment inspirée pour y trouver une parenté avec Oslo 31 août (Joachim Trier, 2012)- l’ironie en plus, et en moins désespéré.