Le cinéma, ce n’est pas « naturel ». Il n’est pas « normal » de se retrouver face à une caméra, de prononcer des mots qui ne sont pas les siens, d’avoir autour de soi toute une équipe scrutant le moindre de ses gestes… Ce n’est donc pas aussi facile que cela peut en avoir l’air de mettre en scène cette simplicité, ce naturel, qui font le charme de D’amour et d’eau fraîche. Le personnage central, Julie, a la vie de beaucoup de jeunes gens. A la recherche d’un boulot, d’argent, d’une vie. Oui, elle couche parfois avec des hommes, plus âgés, qui ne l’attirent pas forcément. Oui, ces derniers peuvent lui donner de l’argent, mais sans que jamais cela n’ait de connotation malsaine. Et puis, il y a cette rencontre. Celle fantasmée par probablement beaucoup de jeunes femmes (si si !)… Un beau brun ténébreux, un peu voyou, un peu mystérieux, vous demande de tout quitter pour le suivre à l’aventure… Sauf qu’il faut, un : rencontrer ledit jeune homme ; deux : oser s’embarquer dans une aventure qui, sur le papier, est bien séduisante, mais qui dans la vie… se confronte à la réalité, au quotidien, et demande une bonne dose de courage, voire d’insouciance !
Julie ose le coup de tête. Car c’en est un. Le déclencheur ? Un repas de famille qui tourne mal. Mais qui tourne mal de façon très mesurée, à l’image du film. Quand Julie annonce qu’elle s’est fait virer de son boulot, pour lequel son frère l’avait pistonnée, ça éclate, ça s’engueule. Elle ne se lève pas en renversant sa chaise et criant. Non. C’est beaucoup plus fin que cela, beaucoup plus conforme à ce qu’il se passe quand de telles situations arrivent dans la réalité. Elle reste assise, regarde son assiette et mange… Il n’en faut pas plus pour être touché. Elle le dit à Ben (le fameux brun, plutôt beau, marrant, etc.) : « J’aimerais être quelqu’un qui s’en fout de tout comme toi. » Elle aimerait aussi rencontrer quelqu’un qui lui dise : « Ne t’en fais pas, je m’occupe de tout. » Julie n’a pas de rêves démesurés, elle a besoin d’être rassurée.
Il y a une certaine naïveté dans D’amour et d’eau fraîche, mais jamais elle n’est ridicule. Légèreté oui, vacuité non. Quand Julie affirme que les amours « ça ne finit jamais », elle a envie d’y croire. Et on lui en sait gré d’y avoir cru, ne serait-ce qu’un instant. « D’amour et d’eau fraiche », un idéal que l’on sait inatteignable… mais auquel il fait si bon de croire. Et même si le film se clôt sur une non-fin… on reste content d’avoir partagé un petit moment l’été de deux jeunes gens voulant oublier le temps… Même si celui-ci rattrape toujours, même les amoureux !

En bonus, dans cette édition DVD : Un bébé tout neuf, un court métrage réalisé en 2007 par Isabelle Czajka dans lequel on croise Anaïs Demoustier, dans les toilettes d’un centre commercial. Assez troublant, le film de vnigt-neuf minutes met en scène une femme qui vient tout juste d’avoir un bébé, et évoque donc les rapports de celle-ci à son nourrisson… Bien qu’intéressant, c’est un peu léger comme unique bonus DVD.
En plus
D’amour et d’eau fraîche doit sa – petite mais jolie – réussite en grande partie à ses deux jeunes comédiens. Ils sont de ces « nouvelles têtes » à suivre. La sortie DVD du film est l’occasion parfaite pour revenir succinctement sur leurs parcours, mais également sur ceux de quatre autres jeunes talents (présentés ici en couples) rencontrés sur les écrans cette année. Choix totalement personnel.
Anaïs Demoustier et Pio Marmaï, deux comédiens assez discrets, à suivre de près. Estampillés « nouvelles têtes », ils ont tous deux déjà quelques – bons – films à leur actif. Honneur aux dames. Il est assez surprenant d’observer qu’Anaïs Demoustier commence seulement à sortir de l’anonymat et ce, notamment, grâce à son rôle dans Belle épine (le film de Rebecca Zlotowski avec Léa Seydoux sorti en novembre dernier), alors qu’elle a derrière elle – et malgré son jeune âge, 23 ans – de jolis rôles, dans lesquels elle a toujours su être juste. Parmi ceux-ci : La Belle Personne de Christophe Honoré et Les Grandes Personnes d’Anne Novion, deux films plutôt bien reçus par la critique. Mais même bien avant cela… C’est à Michel Serrault que la Lilloise a donné pour la première fois la réplique devant une caméra (avec un petit rôle dans Le Monde de Marty de Denis Bardiau en 1999). Son premier grand rôle ? En 2003, un film de Michael Haneke avec Isabelle Huppert et Béatrice Dalle, Le Temps du loup. C’est dire donc qu’Anaïs Demoustier n’est pas totalement une « petite nouvelle » dans le paysage cinématographique, on la découvre maintenant, mieux vaut tard que jamais. Reste à espérer que son talent soit à l’avenir plus exploité.
C’est sur les planches que Pio Marmaï a lui débuté et sa première apparition au cinéma est beaucoup plus tardive que celle d’Anaïs Demoustier, puisque c’était en 2008 dans Didine de Vincent Dietschy. C’est dans Le Premier Jour du reste de ta vie de Rémy Bezançon qu’on le découvre vraiment, une bien belle découverte (et on préfère se souvenir de cette interprétation que de celle dans La Loi de Murphy de Christophe Campos).
Autre jeune couple de cinéma touchant de sincérité et de simplicité, celui de Complice (le film de Frédéric Mermoud sorti le 20 janvier 2010). Nina Meurisse et Cyril Descours forment ce couple que l’on sait dès le début du film n’être le couple que de quelques mois. Leurs personnages (Rebecca et Vincent) ont dix-huit ans, de la fraîcheur, de l’insouciance. Vincent se prostitue, Rebecca l’accepte. Ils s’aiment. Il ne s’agit pas là encore de rôles que l’on a coutume d’appeler une « performance d’acteurs », mais ils révèlent des comédiens d’une grande justesse, et on pense notamment aux – forcément difficiles – scènes de prostitution. La « force tranquille » a-t-on envie de dire quand on pense à ces deux jeunes comédiens qui transmettent beaucoup sans jamais donner l’impression de trop en faire. Un peu comme celui d’Anaïs Demoustier, le sourire de Nina Meurisse fait sourire, ses larmes émeuvent. Cela tient aussi beaucoup à la complicité qu’il existe entre la jeune comédienne – née en 1988 à Caen – et le cinéaste suisse Frédéric Mermoud dont elle est « l’actrice fétiche » apparaissant dans ses précédents courts métrages, L’Escalier et Rachel.
Aperçu dans Une petite zone de turbulences, Cyril Descours (qui est lui né en 1983 en Allemagne) vient du théâtre (il fait toujours partie de la compagnie Pas de Dieux). On le verra le 9 mars prochain sur les écrans, aux côtés de Rachida Brakni et Clémentine Célarié (entre autres) dans La Ligne droite de Régis Wargnier où il incarnera un athlète ayant perdu la vue, l’occasion – on l’espère – de s’affirmer et de se faire davantage remarqué. Ce serait mérité.

« Flaire » aussi du côté d’Abdellatif Kechiche qui a offert son premier rôle à la jusque-là non comédienne Yahima Tores ; un premier rôle éprouvant et là encore pas évident. C’est à Belleville que le réalisateur ayant « révélé » – qu’on les apprécie ou non – Sara Forestier et Hafsia Herzi a repéré (apparemment grâce à son assistante) la jeune femme qui incarne avec un certain brio la vénus hottentote du film. Le rôle étant si particulier, on attend avec impatience de voir Yahima Tores dans la peau d’autres personnages, peut-être plus contemporains et quotidiens…
Des espoirs… aux césars
Et ces six talents ont pour point commun… d’être sur la liste des pré-nominés pour les Espoirs aux Césars 2011. Alors pour faire justice aux autres comédiens, voici la liste complète :
Raphaëlle AGOGUÉ dans La Rafle
Clara AUGARDE dans Un poison violent
Leïla BEKHTI dans Tout ce qui brille
Judith CHEMLA dans De vrais mensonges
Vanessa DAVID dans Sweet Valentine
Anaïs DEMOUSTIER dans D’amour et d’eau fraîche
Adèle EXARCHOPOULOS dans Tête de turc
Ana GIRARDOT dans Simon Werner a disparu…
Annabelle HETTMANN dans Le Sentiment de la chair
Audrey LAMY dans Tout ce qui brille
Elise LHOMEAU dans Des filles en noir
Nina MEURISSE dans Complices
Veronika NOVAK dans Les Invités de mon père
Agathe SCHLENCKER dans Belle épine
Léa SEYDOUX dans Belle épine
Yahima TORRÈS dans Vénus Noire
Meilleur espoir masculin
Olivier BARTHELEMY dans Notre jour viendra
Cyril DESCOURS dans Complices
Arthur DUPONT dans Bus Palladium
Cyril GUEI dans Lignes de front
Salim KECHIOUCHE dans Le Fil
Grégoire LEPRINCE RINGUET dans La Princesse de Montpensier
Johan LIBÉREAU dans Belle épine
Pio MARMAÏ dans D’amour et d’eau fraîche
Guillaume MARQUET dans Crime d’amour
Nicolas MAURY dans Belle épine
Arthur MAZET dans Simon Werner a disparu…
Jules PELISSIER dans Simon Werner a disparu…
Nahuel PEREZ BISCAYART dans Au fond des bois
Raphaël PERSONNAZ dans La Princesse de Montpensier
Edgar RAMIREZ dans Carlos
Thibault VINÇON dans Le Sentiment de la chair