De l’intime à l’universel
En se basant sur son histoire personnelle, Signe Baumane relate le parcours de Zelda dans une Europe de l’Est où la place de la femme demeure figée dans un marbre sociétal et moral ultraconservateur. Soumise au diktat de la sacro-sainte différentiation « naturelle » entre les deux sexes, de son entrée à l’école jusqu’à ses 29 ans, l’héroïne va courir de désillusions en désillusions affectives. Avec ce troisième métrage, la réalisatrice continue son exploration de la condition féminine avec la volonté de ne pas restreindre sa réflexion à l’unique région de son enfance. Sans négliger de contextualiser ses propos, son constat entend prendre une dimension universelle, car les clichés sexistes n’ont pas de frontière, d’autant plus qu’ils sont légitimés par les institutions – la séparation filles-garçons dans les salles de classe et les cours d’ école a encore la vie dure chez nous – et confortés par une gente masculine qui souhaite conserver ses privilèges, un homme âgé reste forcement séduisant de par sa réussite professionnelle, Zelda succombant ici à deux artistes. Son deuxième mariage dans une Suède pourtant plus libérale en apporte la preuve. Sans contester la légitimité d’un tel constat basé sur le vécu de la réalisatrice et tout en n’évacuant pas l’étendu du chemin qu’il reste à parcourir dans nos sociétés pour une véritable égalité hommes-femmes, on peut cependant regretter une forme de martellement des propos. Ceci s’expliquant bien sûr par le parcours de Zelda, renvoyée en permanence à son statut de « personne fragile » : une fille ne doit pas se battre…une fille doit être sensible alors que l’homme est rationnel… Pas étonnant alors que l’amour et le mariage, son corolaire institutionnel, ne restent que des rêves sans lendemain quand on est soumise à des injonctions morales et sociales totalement illégitimes.
Un anti conte de fées en quatrième dimension
En parallèle des épreuves que traverse Zelda, de son premier émoi utopique jusqu’à ses deux mariages douloureux, la narration chronologique est entrecoupée de saynètes au caractère scientifique. Démonstrations teintées d’humour sur tableau noir des réactions chimiques qui sont à l’origine des émotions, des manques et des frustrations qui régissent l’être humain. Une façon pédagogique – parfois redondante – de démonter les préjugés sociaux qui phagocytent depuis la nuit des temps notre rationalité. Troisième dimension ou troisième temporalité, la chanson s’invite comme dans une comédie-musicale, le genre cinématographique le plus formatée qui soit dans les recettes du bonheur. Mais la comédie-musicale c’est également l’art du second degré, comme ici avec des chansons douces et enlevées faussement naïves. Une quatrième sphère, celle du politique, prend la forme la plus simple qui soit, quelques traits sur une carte et un paysage pour décrire les trajets parcourus par la jeune femme.
Cette alternance des représentations évite l’enlisement dans un registre et nous transporte à toute vitesse dans le tourbillon de la vie. On peut néanmoins regretter le systématisme du procédé qui accentue la dimension didactique du récit. Mais ne boudons pas notre plaisir devant un film d’animation aux nombreux charmes, dont les personnages dessinés à la main et les décors artisanaux.
Sortie en Blu Ray et DVD Digipack chez Tamasa le 17 octobre.