Michael Kohlhaas

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Un film intéressant, intriguant, troublant, porté par un héros fascinant, mais qui souffre de quelques longueurs et se perd parfois dans une contemplation métaphysique un peu vaine.

Michael Kohlhaas est un paisible marchand de chevaux, homme cultivé et raisonnable, mari aimant, père protecteur. Sa vie bascule lorsqu’il est victime d’une double injustice : tout d’abord, le Seigneur local lui confisque deux de ses chevaux et les lui rend dans un état désastreux ; dans un second temps, la Justice, que Kohlhaas invoque, ne reconnaît pas les torts qui lui ont été causés. Après une ultime tentative de résolution pacifique du conflit, Kohlhaas prend les armes pour se faire justice lui-même, n’hésitant pas à ravager tout ce qui et tous ceux qui lui font obstacle dans la traque du Seigneur.

 

 

Toute la puissance du récit tient dans le personnage principal, cet homme droit et hautement moral, irréprochable dans ses intentions initiales, mais « maladroit » dans son action. Ce n’est pas tant que « ce qu’il fait » ne correspond pas à « ce qu’il veut faire » ; c’est plutôt que « ce qu’il fait » finit par le dépasser. Il y a toujours, dans ces parcours hors normes dignes d’être contés, un moment où la « vérité » devient floue, où les motivations originelles s’obscurcissent, où la raison n’est plus suffisamment vaillante pour éclairer et donner des repères. Les affects s’en mêlent, la conscience vacille. Michael Kohlhaas arrive précisément à la croisée des destins, à ce moment où les intentions, qu’elles soient défaites ou confirmées, portent les conséquences les plus irréversibles. Ce moment-là, qui le renvoie fondamentalement à lui-même, est la dernière étape d’un périple profondément individualiste, dangereux à tel point que la raison semble s’égarer, la moralité se diluer, le sens de la justice s’imprégner du sang qui a coulé.

Michael Kohlhaas est un personnage moderne, et résolument difficile à cerner. Civilisé et bestial en même temps. Mystérieux, mutique, impulsif (incontrôlable ?). Fondamentalement individualiste, déconcertant de simplicité, pathétique de dignité. Aveuglé par sa droiture morale (la justice sans compromission), étouffé par sa rigueur primaire, écrasé par sa posture initiale, celle de héraut de la justice (ou plutôt de « sa » justice). Quelque part entre le bien et le mal, le juste et l’injuste, la raison et déraison, il cultive un côté fascinant, troublant, dérangeant : sa noblesse d’âme et son idéal de justice portent la mort.

 

La reconstitution proposée par Arnaud des Pallières est très réussie, en ce qu’elle reflète parfaitement l’état d’âme du héros. Au-delà des décors et des costumes, on retient la prégnance d’une atmosphère austère, qui flirte souvent avec le macabre et le morbide. La raideur des paysages, la saleté des lieux et des hommes, la mort qui rôde ; le dépouillement extrême ôte tout repère temporel ou géographique. La nature est mise à nue. Surgit in extenso une tension suintante, âpre, rugueuse.

Michael Kohlhaas est donc un film intriguant, lent, introspectif, presque contemplatif, dont l’intérêt tient à la complexité de son héros. On pourra regretter deux choses. D’une part, le jeu des acteurs n’est pas transcendant : Mads Mikkelsen, qui campe Michael Kohlhaas, a certes une « gueule » incroyable, mais le français n’est pas sa langue maternelle, cela s’en ressent et nuit à la fluidité du récit. Les personnages secondaires eux aussi manquent de souffle, et/ou sont parfois mal interprétés.
D’autre part, le rythme du film est un peu lent. La caméra est figée, froide, distante. Trop distante, comme si le cinéaste s’interdisait de prendre parti, et qu’il voulait filmer de l’extérieur le destin unique de son héros. Un parti pris au détriment d’une certaine vivacité narrative : il manque peut-être d’un soupçon de passion dans le récit, de fulgurance dans les propos, de panache et de romantisme dans la trajectoire du héros, dont la quête métaphysique devient progressivement un peu trop pesante.

Titre original : Michael Kohlhaas

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Durée : 122 mn


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