Marie-Antoinette

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Une Marie-Antoinette branchée et fofolle mais qui donne une bonne image de l’état d’esprit pré-révolutionnaire.

Entre 2000 et 2006, la digne fille de Francis Ford Coppola se fait un prénom dans le monde international du cinéma de qualité avec trois films qui ont marqué les esprits : The Virgin Suicides (2000), Lost in Translation (2004) et Marie-Antoinette (2006). Il s’agit presque d’une trilogie tant les films ont des points de similitude, révélant le talent d’une grande cinéaste qui possède un monde bien à elle et sait inscrire ses problématiques dans son œuvre, sans obéir à des diktats ou à des modes. The Virgin Suicides a révélé Kirsten Dunst au grand public et Lost in Translation, Scarlett Johansson. En adaptant librement le livre d’Antonia Fraser Marie-Antoinette, Sofia Coppola pense immédiatement à l’actrice magnifique de The Virgin Suicides, Kirsten Dunst, pour incarner le rôle de la Reine de France qui mourra sur l’échafaud. Ce choix n’est sans doute pas innocent car le film, réalisé dans le château même de Versailles (à part quelques scènes d’intérieur réalisées dans les studios de Bry-sur-Marne), observe de près une reine quasi adolescente, mariée contre son gré à 16 ans au dauphin, Louis-Auguste, futur Roi de France, plus connu sous le nom de Louis XVI, à la destinée lui aussi tragique. Comme dans The Virgin Suicides, et un peu dans Lost in Translation, la jeune Sofia Coppola parle d’un monde qui lui est sans doute proche, les jeunes filles aisées qui tentent de s’étourdir, à défaut de se libérer, dans le divertissement, le voyage, le rêve et la mort. Ce parti pris a choqué lorsqu’on apprit qu’elle allait s’attaquer à un personnage particulièrement emblématique de l’histoire de France, Marie-Antoinette dite l’Autrichienne. Elle est présentée à la cour du Roi de France comme une très belle jeune fille dont les courtisans se moquent car elle est délaissée par son mari qui lui préfère la chasse à courre et les serrures. Encore très proche de sa mère qui vit en Autriche (Marie-Thérèse d’Autriche, interprété par l’icône des années 1970, Marianne Faithfull), c’est à elle qu’elle confie ses petits secrets et ses tracas.

Peu à peu, et à partir d’une scène sublime où on la montre en larmes après la lecture d’une lettre de sa mère puis au chevet de sa belle-sœur, la Comtesse de Provence, qui vient de donner naissance, elle, à un bébé, Marie-Antoinette va sombrer dans le divertissement entraînant avec elle, nolens volens, toute la Nation qui est au bord d’une Révolution dont personne ne saisit vraiment la gravité. Marie-Antoinette devient alors de plus en plus frivole à cause des ses amies fofolles, la Princesse de Lamballe (Mary Nighy) et la Duchesse de Polignac (Rose Byrne), et Sofia Coppola s’amuse à dépeindre une cour en folie qui, auprès de Marie-Antoinette, vit de spectacles et d’excentricités. C’est pourquoi Sofia Coppola a eu raison de piéger son film d’anachronismes que certains puristes se sont amusés à traquer, car ceux-ci établissent un parallèle avec la jeunesse actuelle qui s’enivre de musique et de paradis artificiels. Le film est ainsi truffé de divers genres musicaux, notamment Air puisque Sofia Coppola était alors très proche du groupe français, mais aussi des groupes des années 1980, tels que Bow Wow Wow, Siouxsie and the Banshees, ou encore New Order ; et baroque avec notamment Vivaldi et Rameau dont on entend un passage de l’opéra Platée. Outre Air, on entend aussi The Strokes, ou encore de la musique contemporaine comme Dustin O’Halloran et Aphex Twin. Il en va de même pour la mode et les ornements culinaires utilisés par la jeune reine : on voit apparaître de manière subliminale les macarons de chez Ladurée, les baskets de chez Converse, la fontaine à champagne qui n’apparaîtra qu’au XIXe siècle, et cætera. La critique et les historiens ont grincé des dents, allant jusqu’à parler d’un Versailles made in Hollywood, certains critiquant le fait que, de l’âge de 16 ans à 53 ans, Marie-Antoinette ne change pas.

Mais le choix de Sofia Coppola s’imposait et son film est réussi puisqu’il parvient à donner une image à la fois précise et fantasmagorique de cette époque troublée. Elle signe même ses propres références lorsque, après une nuit d’amour de la reine avec son mari, Sofia Coppola nous présente Kirsten Dunst s’allongeant dans l’herbe comme pour faire écho à la même scène de The Virgin Suicides. Le personnage de Marie-Antoinette en deviendrait presque sympathique, présenté comme une ado révoltée qui refuse l’étiquette de la cour, sort le soir dans des fêtes parisiennes avec des copines et son amant comme le ferait une Paris Hilton de nos jours, et se réfugie au Petit Trianon pour y jouer à la fermière et faire du théâtre, en narguant cette cour de Versailles qui l’avait au préalable humiliée. Malheureusement, le peuple a faim et la Révolution balaiera tout sur son passage. Le film s’arrête au moment où la famille royale quitte le château de Versailles. On ne verra pas comment, ensuite, Marie-Antoinette est devenue une mère digne et une reine courageuse, qui marchera jusqu’à l’échafaud en s’excusant dit-on auprès du bourreau pour s’être montrée si écervelée lors des révoltes en disant que si le peuple n’avait pas de pain, il n’avait qu’à manger de la brioche. Le film n’est pas un film historique on l’aura compris, mais il montre avec talent une époque particulièrement analysée déjà sous des angles différents par le cinéma. Il a reçu en 2006 le Prix de l’Éducation nationale à Cannes : gage de qualité ou d’orthodoxie ?

Titre original : Marie-Antoinette

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Durée : 123 mn


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