Manolete

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Accueilli avec une relative indifférence à sa sortie, « Manolete » est un film en demi-teintes qui ne ravira personne. Surtout pas les aficionados de corrida. Olé ? Bof…

Le biopic étant un genre à la mode, chaque réalisateur et chaque pays veut sa part du gâteau. A ce jeu là, certains sont mieux lotis que d’autres. Manolete ne pouvait sans doute prétendre à une audience immense hors Espagne, le sujet étant à la fois trop spécialisé et trop polémique. Il n’a évidemment pas la puissance populaire d’une star de la chanson et le rôle tenu par Adrien Brody ne demande peut-être pas suffisamment de transformations physiques pour viser à une vraie reconnaissance (les années 2000 resteront sans doute en mémoire comme créant de toute pièce un nouvel axiome selon lequel plus vous passerez de temps en salle de maquillage, plus de chance vous aurez de recevoir un prix pour votre interprétation). Pourtant, au-delà de son seul palmarès, Manolete est un personnage riche et complexe, extrêmement symbolique d’un pays et d’un contexte historique précis. Au lendemain de la guerre civile espagnole, il apparaît comme un nouveau héros populaire, à la fois génie de sa discipline et instrument du pouvoir à même de faciliter la réunion des masses dans un pays divisé.
 
De tout cela, il ne reste évidemment quasiment rien dans le film de Menno Meyjes (dont c’est la troisième réalisation et qui a officié comme scénariste , notamment auprès de Spielberg : Indiana Jone et la dernière croisade, La Couleur pourpre…). Rien que des foules versatiles qui applaudissent et l’ombre vite expédiée de Franco. Là n’est pas le sujet. Car le sujet, ce sont les amours de Manolete. Amours vaguement tumultueuses – et surtout non approuvées par son entourage – pour une femme de caractère – Penelope Cruz, masculine avec une pointe de vulgarité. Le film s’engouffre dans la thèse faisandée de la contamination du privé sur le professionnel. Si le musicien compose pour sa belle, le peintre la peint, le matador lui la torrée … Ce qui donne lieu a des analogies charmantes du type : femme/taureau, sexe/corrida.


« Torero magnifique, homme soporifique. »

Il en va un peu de même du film. Manolete présente une chronologie bouleversée, mimant le ressouvenir du toréador au moment du grand combat. Les allers-retours incessants entre présent et passé reculent d’autant plus le grand finale, repoussant jusqu’à l’ultime limite l’apogée ou la chute du héros dans l’ambition d’établir un grand suspense à même de maintenir l’attention du spectateur. C’est peine perdue. La réalisation mollassonne et le ton geignard auront raison d’une quelconque adhésion à l’histoire. Hormis quelques rares moments où le réalisateur parvient à capter un semblant d’atmosphère et de trouble entre le couple (essentiellement au début), tout se regarde sans envie, sans désir, fadement.
Les séquences de corrida sont finalement assez rares et très sages. Remplacées par des documents d’archives, vraies ou reconstituées (à base de noir et blanc et de pellicule artificiellement rayée) au début, elles réapparaissent dans la dernière partie, claires dans leurs structures, mais confuses pour qui ne connaît rien à la tauromachie. Il est ainsi très difficile de partager quelques sentiments d’urgence et de détresse requis par le scénario. Meyjes achevant même de décrédibiliser son objet par une mise en scène relevant davantage de l’art pompier que de la fresque épique habitée : les formes sont intégrés, les éléments disposés dans un objet très traditionnel, pas dérangeant, qui n’imposera ni point de vue, ni réflexion. L’image du film ? Rejouée sans cesse : un plan ralenti de la croupe virevoltante d’Adrien Brody. Olé ? Oh non eh !
Bonus

Making of et nombreuses interviews au ton essentiellement promotionnel sans grand intérêt, excepté celles des membres de l’équipe technique.

Manolete est disponible chez TF1 Vidéo depuis le 18 août.


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