De la même veine que le roman de Stefan Zweig, 24 heures de la vie d’une femme, réalisé à son tour par Dominique Delouche en 1968 dans la même région du lac de Côme (et peut-être dans la même demeure dans le style de celle qu’habite, paraît-il, George Clooney), on retrouve ici une certaine aristocratie qui s’ennuie dans les ors et les magnifiques paysages du Nord de l’Italie. Les costumes sont autant chatoyants, les voilettes tout aussi vaporeuses et les situations mystérieuses, comme si les personnages de ces adaptations littéraires étaient mus par des aspirations psychologiques sophistiquées et complexes, de plus en plus rares de nos jours et dont se régalèrent tour à tout Marcel Proust et Luchino Visconti.
Il ne s’agit toutefois pas de la même ambiance, même si les lieux se ressemblent et nous interpellent. Madame Solario raconte l’histoire d’une coterie aristocratique en villégiature en 1906, donc au bord du gouffre de la Première Guerre mondiale, et qui vit comme si elle en avait la prescience. Une jeune et belle femme, Natalia, arrive dans ce petit monde et se fait appeler Madame Solario, un nom qui lui va bien, elle qui sait s’entourer d’un halo de lumière, de mystère et bien sûr de ténèbres. Elle séduit tout le monde, de par sa beauté mais surtout par le charme qu’elle sait faire opérer auprès des hommes. Tout irait pour le mieux, ou à la catastrophe, si l’arrivée inopinée de son frère Eugène Ardent, qu’elle n’avait plus vu depuis très longtemps, n’y mettait un terme fatal.

Finalement démasqués, frères et sœurs seront obligés de fuir, non sans avoir provoqué des ravages qui font partie de l’arsenal non moraliste, mais infiniment moral de la bonne littérature. On doit remercier René Féret d’avoir réussi le tour de force d’adapter un roman en costumes très littéraire sans le déflorer, car il ne s’agit pas d’un genre facile au cinéma. Laurent Bouhnik s’y était cassé les dents en tentant d’adapter à son tour en 2001 24 heures de la vie d’une femme avec Agnès Jaoui dans le rôle titre. On se demande toujours pourquoi, elle qui porte si mal la crinoline et la voilette.