Macbeth (Orson Welles, 1948)

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Ressortie en version restaurée inédite de la première adaptation shakespearienne du cinéaste.

Imaginé par Orson Welles comme un “croisement parfait entre Les Hauts de Hurlevent (1939) et La Fiancée de Frankenstein (1935)“¹, son Macbeth, qui concentre toute la pièce de Shakespeare sur moins de deux heures, s’intéresse plus au côté sombre et à l’ambition dévorante du thane de Cawdor devenu roi d’Ecosse qu’à faire clairement entendre le texte. Réalisé quelques mois après sa mise en scène à l’University Theater de Salt Lake City, la production est confiée à Republic Pictures, d’ordinaire spécialisée dans la série B : le film est tourné en vingt-trois jours à peine, avec un budget très limité estimé à 75 000 dollars environ. Welles recycle les décors épurés qu’il avait utilisés sur scène, et s’attache à mettre l’accent sur le versant ultra sombre de la pièce, étude de la folie qui s’empare de Macbeth et Lady Macbeth après que, poussés par la soif aveuglante du pouvoir, ils accèdent au trône d’Ecosse en faisant assassiner le roi Duncan. Si “ce qui est fait est fait”, Macbeth voit les fantômes de Duncan et Banco attablés à son banquet de couronnement : persuadé que “le sang appelle le sang”, il va entraîner sa propre chute.

Mieux vaut être familier du texte de Shakespeare pour apprécier le film d’Orson Welles, qui fait la part belle aux décors et aux turpitudes mentales de ses héros sanguinaires plus qu’à une transposition linéaire de la pièce. Baignée dans une lumière crépusculaire, sa version de Macbeth travaille les palettes de noir, ici prodigieusement mises en valeur par le travail de restauration et, chez Welles, même le jour ressemble à la nuit. Les décors de carton-pâte (un château médiéval reconstitué en studio) ne nuisent en rien à l’aspect cinématographique du film : s’il n’échappe pas aux conventions théâtrales – notamment le fort accent écossais déclamatoire emprunté par les acteurs et voulu par Welles, pas toujours réussi -, le cinéaste se permet une relecture audacieuse du texte, en contractant des scènes, en réécrivant d’autres et rajoutant même un personnage, celui du prêtre. Ainsi personnalisé, le scénario peut se déployer dans une mise en scène très étudiée, alternance entre plongées et nombreuses contre-plongées, suite de plans longs et mouvements verticaux impressionnants qui permettent de traduire le sentiment d’oppression des personnages.

 

Peut-être moins lisible et moins évidemment maîtrisé que son Othello (1952) réalisé quelques années plus tard, ce Macbeth doit beaucoup à la grandiloquence assumée de Welles, jamais loin d’un côté grand-guignol qui sied assez bien à la lutte entre l’humanité et la sauvagerie de son personnage principal. Yeux écarquillés, maquillage outrancier et gros plans hallucinés sur le regard vitreux de Macbeth ne sont pas sans rappeler les débuts dans les années 20 de l’expressionnisme allemand, et disent mieux que les dialogues (largement préenregistrés et post-synchronisés au montage) les tourments intérieurs du couple sanguinaire. Amputée de vingt minutes deux ans après sa sortie aux Etats-Unis en 1948, la version intégrale du film est celle qui sort aujourd’hui. Inégale mais à la hauteur du génie d’inventivité de Welles, elle vaut surtout pour son interrogation de la dualité entre individualisme et morale, à l’oeuvre aujourd’hui tout autant qu’en 1606.

¹ in http://movies.tvguide.com/macbeth/review/105027
 

Titre original : Macbeth

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Durée : 107 mn


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