Louise-Michel en DVD

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Un peu foutraque sur la forme mais profondément juste et humaine sur le fond, cette satire du réjouissant tandem Kervern-Delépine, avec Yolande Moreau, a séduit critiques et public lors de sa sortie en salle. Le DVD est désormais dans les bacs…

Pourquoi les aime-t-on autant ces deux là ? Soyons juste : pas forcément pour leur sens aléatoire de la mise en scène, pas toujours à la hauteur de leur irrévérence en fait… Bien sûr, l’on y décèle, joliment, l’influence notable d’un surréalisme belge, donc a priori foutraque (pour résumer). Et s’il est un cap que Gustave Kervern et Benoît Delépine maintiennent, dans leurs films (Aaltra, Avida et à présent Louise Michel) comme dans leur parcours (l’émission « Groland » sur Canal +), c’est bien cet esprit libertaire mâtiné de farce. Confer d’ailleurs la première scène de Louise Michel : une crémation maladroite qui a du mal à prendre, le croquemort allant jusqu’à demander du feu à la famille consternée mais passive…

Pour autant, au-delà des images et des lumières moyennement « belles » – on est au mieux dans l’esthétique modeste, façon Deschiens sur Canal, mais c’est un parti pris – ce qui nous retient, nous séduit et même nous bouleverse, c’est ce mélange de virulence et de compassion dans le ton. Humains, profondément humains, si ces deux-là n’ont de cesse de traquer l’absurde du monde contemporain, c’est pour mieux rappeler qu’il ne piétine et ne broie, bien évidemment, que les petites gens. Leurs semblables. Don Quichotte modernes et bienveillants, voilà donc qu’ils s’attaquent, avec ce 3e long métrage, aux « patrons voyous » qui, par exemple, au hasard, délocalisent leurs usines dans la nuit après avoir servi la veille à leurs ouvrières un discours paternaliste mensonger…

Nul fantasme anarchisant : Delépine et Kervern sont partis d’un fait divers réel, dans la région d’Angoulême, pour tisser leur satire ô combien actuelle en ces temps de crise aiguë. Ils ont juste, licence poétique oblige, à peine exagéré… Dans Louise Michel, tourné en 2007/2008, les ouvrières spoliées décident de faire exécuter leur patron indélicat par un tueur, mutualisant leur pauvres indemnités pour honorer ce contrat. Alors que dans la vraie vie – celle de 2009 en tout cas – les ouvriers, employés, voire cadres des sociétés se « contentent » de retenir leur patron en otage pour faire valoir leurs droits (au travail, notamment). Il semble, de fait, que cette proximité déformée avec le réel ait parlé à beaucoup de gens (critiques et public), ce petit film – 92 copies la première semaine de son exploitation en salles –, produit d’ailleurs par Mathieu Kassovitz, ayant été fort bien reçu puisque vu par plus de 400 000 spectateurs en un petit mois, fin 2008 / début 2009.

Outre le talent considérable de ses deux acteurs principaux (Yolande Moreau qui est Louise, Bouli Lanners qui est Michel), outre l’irrésistible dynamique impulsée par le principe du « road movie » (Kervern et Delépine en sont coutumiers), outre cette foi contagieuse en l’anarchie solidaire, ce qui rend ce long métrage de toute façon atypique et passionnant, c’est son acuité.

Car enfin, il ne s’agit pas uniquement de « faire la peau » aux patrons, même si Dada qui fait du cinéma politique, ça fait forcément rire. Non, il s’agit plus finement de stigmatiser à quel point, aujourd’hui, les responsabilités se diluent dans un système-pieuvre, ultra-libéral, anonyme et malin. Ce que l’on voit et entend dans « Louise Michel », au travers de cette course « mélancomique », c’est que les petits patrons des filiales picardes rendent eux-mêmes des comptes à de grands patrons, présidant des multinationales nichées à Jersey, qui sont elles-mêmes régies par des fonds de pension américains… Alors, à qui la faute ? Et, surtout, à quelle porte frapper ?

Voilà pourquoi, entre drôlerie, opiniâtreté et sens de l’injustice, on aime résolument Benoît, Gustave et leurs amis : Louise Michel bien sûr, la vraie, belle figure anarchiste et féministe du 19e siècle (se rappeler de la Commune de Paris). Mais aussi, Benoît Poelvoorde, que l’on aperçoit en deux scènes, Philippe Katerine, que l’on entend au détour d’une escale bruxelloise, le journaliste Denis Robert, dont on croise la silhouette, etc. Et tant pis pour l’approximation des plans et du rythme : sur le fond, Delépine et Kervern sont bons. Dans tous les sens du terme.

Bonus

Un hommage à leur vieux copain anar belge Robert Dehoux (décédé après le tournage), deux scènes coupées (dont une d’anthologie avec Poelvoorde), un entretien très intéressant avec le journaliste François Ruffin, auteur de La guerre des classes, ou encore quelques extraits d’une « petite série comique » tournée par notre duo il y a quelques années pour Canal + (« Don Quichotte de la révolution », bien dans le ton) : tout cela est en tout cas d’une vraie cohérence.

Titre original : Louise-Michel

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Durée : 90 mn


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