L’Océan vu du coeur.

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Ode au vivant.

La sixième extinction approche. Nous pourrions en être victimes, après en avoir été les responsables. L’océan nous est apparu comme une source inépuisable, voire infinie, mais notre surexploitation de cet espace a déjà provoqué  des conséquences inquiétantes sur sa biodiversité, et sur sa température (provoquant aussi la fonte des glaces). Dans L’Océan vu du cœur, Hubert Reeves nous rappelle à juste titre que « l’océan est notre lieu de naissance. » Reeves nous convie à une exploration, une redécouverte de ce « lieu de naissance », pour en constater les menaces et les dommages causés par les activités humaines, mais il nous convie aussi, en compagnie de spécialistes et de passionnés de tous horizons, à une réflexion sur les actions menées ou à mener dans les années à venir.

 

 

Dans ce documentaire, cinq causes de l’extinction progressive du vivant océanique nous sont exposées : la pollution, la destruction, la surexploitation, la dissémination des espèces invasives, et un climat au changement trop rapide. L’accent est mis sur l’exploitation intensive des mers, notamment avec la pêche industrielle qui emprisonne dans ses immenses filets des poissons de toutes catégories, et rejette trop tard les espèces protégées, non utiles pour leur exploitation. Une aquaculture mal gérée décime les petits poissons au profit des saumons d’élevage industriel. Les minéraliers, aux hélices bruyantes et meurtrières, troublent la biodiversité; les métaux rares des profondeurs suscitent la convoitise des industriels des équipements informatiques. Et la surconsommation humaine, responsable de la pollution, dévaste les fonds océaniques qui deviennent au fil du temps des poubelles : 90% des déchets, des millions de tonnes par exemple de plastique, y coule. Certains barrages mal placés, tel celui à proximité de la rivière Magpie au Québec, perturbent l’écosystème.

 

 

Ce bilan et ces constatations établies, devons-nous nous métamorphoser en anxieux résignés ? Les nombreux intervenants de ce film, qu’ils soient militants, responsables de protection de lieux maritimes, biologistes, juristes, ou simples villageois éco-responsables, nous répondent par la négative. D’abord, par l’extraordinaire capacité de régénération des espèces, flore et faune, via leur photosynthèse, admirable travail d’équilibre et de cohérence, ou par leur adaptation (délicate, parfois). Dans l’estuaire du Saint-Laurent, réserve de 25% de l’eau douce de notre planète, où 13 espèces de cétacés évoluent,  les baleines brassent des nutriments permettant la fertilisation de la flore océanique. Ailleurs, les requins, peureux de nature, développent selon les spécialistes un apport positif pour l’écosystème : ils ne se nourrissent que d’êtres faibles et malades.

 

 

La nature résiste. Mais nous pouvons et devons contribuer à cette résistance. Les intervenants proposent des actions, des solutions. L’accent est mis sur la citoyenneté, la responsabilité de tous, peu importe notre échelle de résolutions, par le recyclage (celui, opéré avec efficacité par Ocean Legacy), l’économie circulaire, la pêche artisanale, la pédagogie (via des associations comme Bloom), une législation plus affirmée, une protection (comme le rahui en Polynésie française). Somme toute, « Changer la mentalité » : un mantra répété au cours de ce documentaire engagé.

 

Iolande Cadrin-Rossignol et Marie-Dominique Michaud développent dans cette suite de La Terre vue du cœur leur talent de mise en scène et en situation des thèses et thèmes tenus par les intervenants : la photographie, notamment sous-marine, y est admirable de netteté et de poésie grâce aux couleurs (de superbes variations chromatiques sur le bleu, le vert, le blanc vous attendent), au montage (les propos sont subtilement illustrés par des images qui leur sont liés; des pauses aériennes permettent au spectateur de modifier sa perception des êtres et des éléments), au son (des chants entonnés par un chœur surprenant d’émotion, propice à la méditation), sans oublier les intermèdes en animations donnant l’occasion de découvrir autrement les faits et idées énoncés ou d’en effectuer des synthèses efficaces.

 

Point de cinéma lénifiant ici, mais un film pédagogique, multiforme, humaniste, coloré, et citoyen, qui nous emmène du Lac Ontario vers les rivages du Malpelo, en passant par Mo’oera. Un film qui, finalement, nous transporte.

 

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