L’Impossible Monsieur Bébé

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Chef d’oeuvre de la screwball comedy, tourbillon comique dont la perfection n´a d´égale que la loufoquerie.

Prenez un scientifique à lunettes dont les seules préoccupations sont la clavicule intercostale du brontosaure qu’il essaye de reconstituer, la généreuse donation qu’il attend pour son musée et un mariage avec sa secrétaire, programmé pour le lendemain, qui va être dédié à la science (!), ajoutez-y une jeune femme à la folie douce, un léopard mélomane appelé Bébé et un fox-terrier amateur d’os et vous obtiendrez une brillante comédie magnifiquement mise en scène, au montage rapide et efficace.

Le film fonctionne sur le mode de la répétition. C’est à chaque fois le même souffre douleur, un psychiatre aux discours et aux mimiques peu orthodoxes, que l’on retrouve et qui commence à douter de la santé mentale du jeune couple. Le léopard apprivoisé trouve son double en un léopard indomptable qui crée la confusion. Les mêmes plans reviennent pour donner au film son rythme haletant.

David Huxley se laisse emporter, tout comme le spectateur ravi, dans une tempête orchestrée par la belle Susan qui n’a souvent comme seule réponse qu’un grand éclat de rire devant les yeux médusés de son double masculin. Il est constamment agi, passif, incapable de se sortir de l’absurdité où la confusion d’une balle de golf le mène bien malgré lui. Susan, aux tenues plus extravagantes les unes que les autres, va toujours le ramener dans son monde, que ce soit en inventant une attaque de léopard ou tout simplement en pleurant, ce qui attendriy bien évidemment le sensible David. Persuadée, dès leur seconde rencontre, qu’il fait une fixation sur elle, elle tente ensuite de retenir par tous les moyens l’homme dont elle est tombée amoureuse. Et les moyens ne manquent pas car Susan, nièce de la potentielle donatrice du million de dollars, doit, pour hériter, adopter une tenue de jeune femme modèle, ce qui se révèle rapidement impossible.

 

Les situations loufoques s’accumulent et notre couple ressort débraillé : David a le chapeau cabossé, le manteau déchiré ; les dessous de Susan s’exposent à la vue de tous dans un restaurant, la poursuite infernale du chien voleur de clavicule et du léopard perdu dans le parc se jalonne de la brisure des lunettes, d’une chute dans la rivière et d’un feu de camp où Susan laisse brûler les chaussettes de David. Les changements de tenue de David le conduisent à porter un joli peignoir à frou-frou pour sa première rencontre avec la tante de Susan. Son visage traduit alors magnifiquement l’impossibilité de sortir une seule phrase cohérente. L’arrivée d’un Major chasseur de fauves entraîne un truculent dîner rythmé par les brusques départs de David à chaque mouvement du chien à clavicule et par les cris du léopard auxquels répondent les imitations du chasseur.

Pris un à un pour des imposteurs, tout ce beau monde se retrouve en prison et tente encore une fois d’expliquer l’inexplicable à un sheriff qui ne sait plus où donner de la tête. Susan se transforme pour l’occasion en une fille des rues et mène délicieusement en bateau son auditoire conquis. L’arrivée des deux léopards surenchérie sur le chaos préexistant et les mouvements terrifiés pour rentrer se protéger en prison font échos aux ceux qui poussaient auparavant vers la sortie.

Si David Huxley, alias Mr Bone, peut avouer à l’étonnante Susan qu’il a malgré tout passé avec elle la meilleure journée de sa vie, le spectateur peut, dans le grand éclat de rire final, en dire autant.

Titre original : Bringing Up Baby

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Durée : 102 mn


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