Au départ donc, il y a des retrouvailles. Celles, d’abord, de Ronit Elkabetz et de son frère Shlomi qui donnent une suite à Prendre femme, histoire écrite et réalisée en 2004 et directement inspirée de la vie de leurs parents. Retrouvailles aussi avec Ronit la comédienne, qui a marqué le public français l’année dernière avec La Visite de la fanfare, et qui reprend ici le rôle de Viviane. Elle réapparaît alors qu’un de ses frères vient de mourir et que toute sa famille se réunit afin de célébrer le deuil.
D’emblée, le ton est donné par la tradition qui veut que les proches du défunt restent sept jours et sept nuits dans sa maison, sans sortir, et sans le confort habituel (dormant par terre, mangeant frugalement, changeant à peine de vêtement et ne se rasant pas). La situation met à l’épreuve le groupe familial très nombreux, avec une quinzaine de membres. Ainsi dit, le film place le spectateur en terrain connu : une réunion de famille, avec ses vérités enfouies qui remontent à la surface… Le film a le mérite d’être ambitieux, avec des partis-pris francs, auxquels les auteurs-réalisateurs se tiennent du début à la fin ; leur but est bien sûr de prendre le spectateur à la gorge, de le mettre face à un monde hypocrite et étouffant.
Pour autant, ces intentions sont minées par d’importantes faiblesses. Trop est le mot : trop de personnages sont présentés, qui sont difficiles à identifier (cela prend du temps à mettre un visage sur un nom), tandis que certains paraissent superflus car pas assez mis en avant. Les dialogues souffrent, eux aussi, d’être trop développés : trop dans l’explication, voire la démonstration, ils plombent souvent le rythme du film (ainsi d’un plan-séquence, véritablement athlétique pour les acteurs qui discutent pendant près d’un quart d’heure sur les problèmes d’argent de la famille). D’autres fois, les tentatives d’alléger le propos tombent à plat tant elles sont prévisibles et même un peu faciles. L’effet qui domine est alors celui de la longueur : les scènes semblent s’étirer sur un temps interminable, malgré le cadre temporel, qui n’est du reste pas clairement suivi.
Cette lenteur a pour contrepoint stylistique la fixité. Les réalisateurs ont en effet choisi de filmer une succession de plans-séquences et, surtout, d’utiliser une caméra immuablement fixe. Ainsi, dès le début, les scènes s’enchaînent, avec deux ou trois personnes dans le cadre qui se parlent et sont souvent peu actives. Le film trouve là son ton sec, rêche, proche du documentaire, où rien ne semble lier les personnes entre elles.
Or le film se prend vite les pieds dans la logique rigide de la réalisation et n’évite pas les maladresses (la scène tant attendue où les rancoeurs tues explosent et finissent par un pugilat est entrecoupée d’un plan serré du visage de la mère en pleurs), même les fausses notes (le face-à-face entre Viviane et son mari frôle la caricature). La gêne vient de ce que le cadrage enferme les protagonistes, les fige dans des postures hiératiques favorisées par leur confinement. Sans hors-champ qui suggère justement l’existence d’émotions enfouies, ombres au tableau d’ensemble qui mélange insidieusement religion, sentiments et business, ils ne sont jamais véritablement attachants ni fondamentalement complexes.
Alors, à force de chercher à tenir, à contenir tout ce qu’ils ont à dire, les Elkabetz finissent par « rationnaliser» leur récit. Problème de taille qui met à mal l’intérêt des sept jours : révéler les blessures générées par un système familial qui induit des inégalités insupportables ; exposer ce moment où des personnes se laissent prendre par leurs émotions, passées et présentes. Mais face à ces êtres qui se débattent de manière pathétique, la surprise et le malaise ne surgissent pas.
Reste alors un paradoxe, celui de voir évoluer des Israéliens en dehors du contexte qui est le leur, en l’occurrence la guerre du Golfe de 1991. Les missiles irakiens s’abattent sur leurs têtes, jusque pendant l’enterrement, qu’ils poursuivent comme si de rien n’était. Là est l’élément le plus intéressant des
Sept jours, qui le rattache aux autres oeuvres de la jeune génération de cinéastes israéliens pour lesquels Ronit Elkabtez a d’ailleurs beaucoup joué : le but n’est plus d’interroger l’actualité, celle-ci est une simple toile de fond à des histoires avant tout centrées sur les personnages. Il faut ainsi reconnaître aux Elkabetz, par-delà les maladresses, la détermination de faire vivre un autre regard sur une partie du monde où les caméras sont inlassablement braquées.
Sortie le 2 juillet 2008
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