Les Miens

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Une comédie familiale drôle et sensible.

Toute vérité est bonne à dire

Après une chute qui lui a occasionné un traumatisme crânien, le sempiternel bienveillant Moussa (Sami Bouajila) s’exprime à présent sans aucune retenue.  Est-ce un trouble comportemental passager  ou l’illumination tardive d’un homme  bien décidé à ne plus s’en laisser conter ? Ne serait-il pas  un nouveau malade imaginaire qui entend  profiter de son apparente faiblesse pour manipuler tout son petit monde ? De quoi s’offrir la fine fleur de la médecine. Alors que c’est l’occiput qui a été heurté pendant la chute, c’est sur le haut du front que les stigmates prennent forme. Tout ça n’a évidemment rien d’étonnant pour le grand ponte qui propose d’accompagner la guérison contre des honoraires tarifés bien au-delà des conventions. Durant tout le début du film, avec son œuf de pigeon aux proportions éléphantesques, le convalescent traine sa peine en famille ou au bureau, distillant ses quatre vérités à ceux qui n’ont aucune envie de la voir. Au fur et à mesure de sa guérison, ses propos ne perdent rien de leur acidité et de leur assurance.  Sans jamais chercher à provoquer le rire,  Sami Bouajila excelle dans une drôlerie proche de la folie douce. Ses sauts d’humeur, ses colères intempestives confèrent une ambiguïté salutaire à son personnage. On le sait bien, la comédie n’est jamais aussi efficace que lorsqu’elle flirte avec la peur du pire. Si les répliques bien senties sont nombreuses, ce ne sont pas des punchlines qui dynamisent artificiellement le film.  Certaines situations qui pourraient multiplier les rebondissements et les répétitions pour des effets prétendument comiques sont également écourtés pour laisser toute sa place au réel. À l’instar de Moussa, le rythme se nourrit d’une nonchalance qui laisse tout le temps de nous délecter du désarroi de l’entourage, médusé par tant de bouleversements. Le nouveau film de Roschdy Zem possède ce qui  le plus délicat à trouver dans une comédie; un tempo naturel  et varié.

 

Déboussolés

Plus les propos de Moussa deviennent structurés et clairs, plus sa famille se met à bafouiller. Certes, les cacophoniques repas de famille démontraient déjà les difficultés de communication, mais l’illusion restait jusque-là préservée. Ryad (Roschdy Zem), incarnait cette illusion. Une réussite professionnelle exemplaire (présentateur d’un grande émission de foot), la capacité de s’appuyer sur sa notoriété pour adouber les siens; frères et sœur tolèrent aisément d’être parfois oubliés par celui qu’ils considèrent comme un modèle. En s’octroyant ce rôle, Roschdy Zem campe le personnage le moins avenant du film. L’occasion lui est de nouveau donnée pour aborder les nuances d’une masculinité singulière et contrariée.  Afficher ostensiblement ses certitudes pour occuper la place vacante du chef de famille, au risque de flirter avec l’arrogance. Être foncièrement épris de sa compagne (Maïwen) mais refuser d’écouter son point de vue lorsque cela concerne son petit cercle familial. Les miens, un titre on ne peut plus explicite pour traduire les travers d’un sentiment de possessivité que la sacro-sainte institution familiale à tendance à engendrer. Le constat vaut pour chaque membre du clan (tous aussi bien campés), qui ont tous l’occasion, un moment un autre de manifester leur désir d’exclusivité. Comme la dévouée Samia (Meriem Serbah), qui dans son désir de se montrer indispensable pour ses frères en viendrait à  négliger les membres de son foyer. Ne cherchons pas dans ce portrait de famille une quelconque prétention sociologique ni même une intention moralisatrice. Si les bons sentiments prédominent, c’est dans la nuance qu’ils s’expriment. La fin aérienne laissant planer le doute sur la notion de normalité. Énième gage que Les Miens vole beaucoup plus haut que les nombreux Feel-Good Movies qui séduisent  habituellement un nombreux public .

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Durée : 85 mn


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