Bercé par la tentation documentaire, habituelle chez le réalisateur, le récit présente point par point chaque petite évolution dans la déchéance du protagoniste. Tout y passe : perte du logement, problèmes au travail, manque d’argent, exploitation des gens dans le besoin, double emploi, et cætera. Il en ressort un récit terriblement poussif et démonstratif à l’extrême. Sans surprise ni aucun supplément d’âme, le seul spectacle offert est celui d’un individu s’enfonçant dans la misère chaque jour un peu plus et qui s’enferme dans une idée jusqu’au-boutiste de l’honneur en n’admettant jamais la précarité de sa situation à sa famille.
Si le film souffre d’un évident manque d’émotion qui l’élèverait au-dessus d’une simple énonciation factuelle, la mise en scène, extrêmement symbolique et insistante, en rajoute sévèrement une couche. De Matteo veut montrer que son personnage est en quelque sorte condamné dès son exclusion du cocon familial et sert l’imagerie de l’enfermement à toutes les sauces. Le grillage au premier plan, lorsque Giulio va jeter les poubelles (quelques instants après la séparation), séquestre le personnage et, comme si cela ne suffisait pas, le couvercle du container à ordures se referme lentement sur lui, le plongeant dans le noir total. Ce genre de figures à forte contenance évocatrice se répète ad vitam aeternam dans le film. Qu’il s’agisse du moment où l’homme va voir sa fille répéter avec son groupe de rock (il n’entre pas dans la pièce et signale seulement sa présence au travers d’une minuscule lucarne agrémentée de barreaux), ou lors du premier plan du film qui, après un long mouvement de caméra labyrinthique et tortueux (arborant ostensiblement le chaos qui va s’en suivre), dévoile furtivement Giulio et son amante passant à l’acte. Trop, c’est trop.
Ainsi, Les Équilibristes, en dépit d’un point de départ intéressant et promettant de résonner de manière significative avec nos sociétés en proie à une violente crise économique, ne fait que narrer lourdement et sans souffle une histoire rendue peu intéressante et avare en émotions à cause d’une mise en scène et de choix narratifs suffocants.