Aquitaine, les Landes. Lac, mer et abords de camping où réside à l’année Arnaud et sa famille. Arnaud et l’entreprise familiale pressante de responsabilités après la disparition du Papa. Le film débute en douceur, dans un genre de chronique estivale ronronnant, assez drôle déjà (la première scène dans la salle de bain). Arrive alors Madeleine, boule de flipper dans un jeu de quille, fille et machine habitée par sa préparation à l’entrée dans l’armée, pour rejoindre le bataillon des parachutistes, « l’un des plus durs ». Le doux Arnaud se frotte au personnage et s’en fait une gentille obsession.
Adèle Haenel creuse depuis ses débuts ce personnage de grande fille forte et têtue, souvent rude (Après le Sud, La Naissance des pieuvres, L’apollonide). Poussé ici jusque dans ses retranchements, la psyché obsessionnelle du personnage, sa violence et sa singularité irriguent le récit d’une énergie nouvelle. Madeleine est peut-être zinzin, mais elle enchaine Arnaud à ses basques direction le plus profond de la forêt.
Dans le deuxième tiers du film, Thomas Cailley enrichit encore sa palette comique dans la découverte de l’armée par une Madeleine mal aiguillée : elle croyait vivre du Koh Lanta version SEALS, ils sont dans un camp de vacances pour jeunes en mal de valeurs.
Plus tard, alors que les deux personnages principaux perfectionnent un ballet amoureux bien à eux – débutant par un grand coup de poing de Madeleine – le film déplace encore son centre de gravité vers un nouveau territoire vierge d’humains et boisé : la forêt des Landes. Temps mort dans les combats, à ne rien faire c’est Arnaud qui gagne. L’attente laisse la place à l’amour physique, lui aussi filmé comme une lutte cette fois mesurée.
Dans ses derniers moments, le film prend timidement le chemin d’une inquiétude qui irradie pourtant depuis ses débuts, notamment dans ses plages musicales industrielles. Sans dévoiler ce virage vers le genre pas complètement pris, on peut quand même y lire la validation de la paranoïa du personnage de Madeleine. A la bataille du mieux préparé, Adèle Haenel concurrence évidemment le Michael Shannon de Take Shelter. Le film saisit bien, dans la métaphore de ses mouvements climatiques, un désarroi générationnel pour un monde sur lequel il n’y aurait plus aucune prise autre que celle, désespérément individualiste, de la loi du plus fort.
Le corps virilisé, préparé, de Madeleine, comme dernier rempart à un marasme économique sans nom et sans espoir déplace par la même occasion les rôles assignés du modèle amoureux. Et le film, multipliant les surprises et les détours – balisés ou non – explore de nouveaux territoires sans effrayer pour autant un spectateur toujours sous la coupe et l’attraction d’un personnage féminin si loin des filles" blocs de charme et de mystère" habituels qu’elle en devient héroique.