Un film mené de main de maître pourrait-on dire, dans le choix des décors, des lumières, des clairs obscurs qui confèrent à ce film un charme vénéneux fait d’enfermement à la manière de Rosemary’s baby de Roman Polanski (1968) et de claustrophobie digne presque d’un Stanley Kubrick au meilleur de sa forme, et l’on pense bien sûr à Shining (1980) pour l’étrangeté des longs couloirs d’hôtel et à Eyes Wide Shut (1999) pour la beauté des espaces intérieurs moirés pleins de mystère et d’érotisme larvé. Il faut dire que ce film branché est très aidé par sa musique : il compte en effet 28 minutes de compositions originales pour 1h20, sans oublier les musiques additionnelles. La musique y est en effet un instrument narratif essentiel et elle accompagne parfaitement l’atmosphère de concentration silencieuse des échecs et des moments de détente, voire de folie et d’alcoolisme, pour compenser le stress et dans lesquels les acteurs font merveille à travers des jeux inutiles et des attitudes infantiles. Le tout sous le regard impressionnant d’un jeune garçon champion d’échecs, inquiétant et prophétique.
Servi par une mise en scène impeccable, même si certaines séquences sont quand même un peu outrées telles celles avec le maître d’échecs allemand et manipulateur comme un nazi échappé du Portier de Nuit de Liliana Cavani (1974), le film marquera le spectateur par certaines scènes particulièrement réussies, telle celle du baiser entre Cal et un des joueurs de l’équipe française qui n’a jamais connu l’amour à 28 ans. Sans cesse sur la corde raide, le personnage de Cal en hommage à James Dean d’À l’Est d’Eden et à son blouson rouge de La fureur de vivre, bascule à la fin vers la liberté comme si le monde des championnats en général, et celui des échecs en particulier, était une métaphore de la caverne platonicienne, monde des apparences, auquel il faut coûte que coûte échapper.