Le Tournoi

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Belle métaphore sur les rivalités et la difficulté de vivre dans ce monde, « Le Tournoi » donne le tournis.

Après La diagonale du fou, le film de Richard Dembo sorti en 1884, on ne pensait pas qu’il serait encore possible de filmer une partie d’échecs. Mais Elodie Namer, après s’y être mise pendant des mois, fait encore mieux puisqu’elle filme ici un tournoi qui se passe à Budaspest, dans ce pays de l’ancien bloc de l’Est resté encore très mystérieux. Et c’est une réussite malgré quelques petites maladresses, puisque le film parvient parfaitement à rendre compte de l’univers obsessionnel, contraignant et claustrophobe des échecs qu’elle qualifie en fait de sport. C’est son genre officiel et ce n’est pas inexact tant l’univers plombé de cet hôtel international de Budapest en rend compte. Ce n’est pas pour rien que l’acteur principal du film qui incarne Cal, un boxeur, n’avait jamais fait de cinéma. La réalisatrice lui a trouvé suite à un casting imposant. En effet, si ce film n’avait qu’un seul intérêt ce serait celui de nous faire découvrir un nouvel acteur magnifique. En effet, ici, Michelangelo Passaniti crève l’écran, aidé en cela par la présence pleine de grâce de Lou de Laâge qu’on a déjà vue au cinéma, mais dans des rôles plus glamour que celui d’une joueuse d’échec internationale. « Comme tous les autres comédiens, déclare la réalisatrice, elle s’est immergée dans l’univers des échecs, pris des cours, fréquenté des joueurs. Pour le côté physique de la compétition, nous avons fait de la boxe avec Michelangelo Passaniti qui nous entraînait. »

Un film mené de main de maître pourrait-on dire, dans le choix des décors, des lumières, des clairs obscurs qui confèrent à ce film un charme vénéneux fait d’enfermement à la manière de Rosemary’s baby de Roman Polanski (1968) et de claustrophobie digne presque d’un Stanley Kubrick au meilleur de sa forme, et l’on pense bien sûr à Shining (1980) pour l’étrangeté des longs couloirs d’hôtel et à Eyes Wide Shut (1999) pour la beauté des espaces intérieurs moirés pleins de mystère et d’érotisme larvé. Il faut dire que ce film branché est très aidé par sa musique : il compte en effet 28 minutes de compositions originales pour 1h20, sans oublier les musiques additionnelles. La musique y est en effet un instrument narratif essentiel et elle accompagne parfaitement l’atmosphère de concentration silencieuse des échecs et des moments de détente, voire de folie et d’alcoolisme, pour compenser le stress et dans lesquels les acteurs font merveille à travers des jeux inutiles et des attitudes infantiles. Le tout sous le regard impressionnant d’un jeune garçon champion d’échecs, inquiétant et prophétique.

 

Servi par une mise en scène impeccable, même si certaines séquences sont quand même un peu outrées telles celles avec le maître d’échecs allemand et manipulateur comme un nazi échappé du Portier de Nuit de Liliana Cavani (1974), le film marquera le spectateur par certaines scènes particulièrement réussies, telle celle du baiser entre Cal et un des joueurs de l’équipe française qui n’a jamais connu l’amour à 28 ans. Sans cesse sur la corde raide, le personnage de Cal en hommage à James Dean d’À l’Est d’Eden et à son blouson rouge de La fureur de vivre, bascule à la fin vers la liberté comme si le monde des championnats en général, et celui des échecs en particulier, était une métaphore de la caverne platonicienne, monde des apparences, auquel il faut coûte que coûte échapper.

Titre original : Le Tournoi

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Durée : 83 mn


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