Le squelette de Madame Morales

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Film macabre, surréaliste et franchement mexicain avec le scénariste de Luis Buñuel…

Figures marquantes du cinéma mexicain

Rogelio A. González est une figure du cinéma mexicain très appréciée localement avec soixante-dix films à son actif, et peu connu à l’international. C’est donc une bonne idée de ressortir ce film restauré, surtout parce que c’est un excellent exercice de style entre horreur, humour noir et esprit british puisque c’est une adaptation d’un texte anglais d’Arthur Machen, The Islington Mystery, publié pour la première fois en 1927 dans le recueil The Cosy Room and Other Stories. Et si le film, en fin de compte, fait penser à Luis Buñuel c’est sans doute parce que le réalisateur mexicain est arrivé à en tirer tout l’aspect surréaliste en se servant de tout l’attirail dont le cinéma mexicain est friand : squelettes, taxidermie, misogynie latente, alcool et catholicisme. Mais c’est aussi surtout parce que le scénariste du film, Luis Alcoriza, fut également celui de Luis Buñuel, notamment pour un autre film réalisé quelque sept ans plus tôt en 1957, El (Tourments) avec en plus le même grand acteur mexicain, Arturo de Córdova, à qui l’actrice espagnole, Amparo Rivelles, inoubliable dans ce rôle d’une épouse handicapée et frustrée, donne la réplique. 

Enfers conjugaux

Le film de Luis Buñuel est adapté d’un roman de Mercedes Pinto et il raconte aussi l’histoire d’un enfer conjugal avec une petite différence notable : dans El, c’est le mari qui est un catholique pratiquant, proche du fanatisme, paranoïaque de surcroît qui martyrise son épouse. Sept ans plus tard, pour Le squelette de Madame Morales, c’est l’inverse mais avec plus d’humour noir encore : c’est le mari qui est la proie d’une épouse confite en religion, torturée et manipulée par son confesseur presque comme dans une comédie de Molière, et qui n’hésite pas à se mutiler pour faire condamner son mari pour violences conjugales. Celui-ci, présenté comme une sorte de libertin de village, noceur et buveur, se vengera d’une manière inattendue, d’où le squelette du titre. Il faut dire que son métier de taxidermiste, entouré d’ossements et d’animaux empaillés, lui facilite la besogne.

Humour ravageur et british

Dans un beau noir et blanc dû au travail de Victor Herrera et les décors à la fois réalistes et horrifiques d’Edward Fitzgerald, le film remporte un vif succès et gagnera à être mieux connu lors de sa ressortie en salles en France. Outre l’interprétation dont on a déjà un peu parlé, et des dialogues souvent percutants, le film fait penser aussi au cinéma anglo-saxon sur certains points, tels celui de Hitchcock, mais surtout au film Noblesse oblige de Robert Hamer (1950) ou encore Arsenic et vieilles dentelles de Frank Capra (1941). C’est tout le sel de cet humour si particulier qui apporte à la fois une fin inattendue au film, différente du roman original qui voyait le mari meurtrier condamné et pendu, et une sorte de distance narrative bienvenue. D’autant que ce film de Rogelio A. González est considéré comme l’un des cent meilleurs films mexicains et que son scénariste Luis Alcoriza – Espagnol exilé au Mexique au début de la guerre civile – écrivit huit films en collaboration avec Luis Buñuel entre 1949 (Le Grand Noceur) et 1962 (L’Ange exterminateur). Il devient ainsi jusqu’à sa mort en 1992 une des figures marquantes du cinéma mexicain.

Titre original : El Esqueleto de la señora Morales

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Durée : 92 mn


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