Le Rendez vous de l’été

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« Valentine Cadic nous rappelle que ce ne sont pas les épreuves des JO qui font l’histoire mais les rencontres qu’elles produisent, les amitiés qu’elles créent et les émotions qu’elles suscitent. »

Alors que Paris vit au rythme des Jeux Olympiques de 2024, Blandine (Blandine Madec), jeune femme timide mais attachante, descend à la capitale pour rendre visite à sa demi-sœur perdue de vue depuis dix ans et rencontrer sa nièce. Au cœur de cet événement unique, Valentine Cadic en profite pour mettre en scène des retrouvailles familiales qui vont se révéler moins parfaites que prévues. Alternant entre l’euphorie des épreuves de natation auxquelles elle souhaite assister et le calme des parcs où elle se promène, Blandine troque pour quelques jours sa Normandie chérie contre une capitale dans laquelle elle peine à trouver sa place et où elle va errer, alternant les rencontres (bonnes et mauvaises) et les instants de solitude.

Certes, le thème du dépaysement dans une grande ville existe au cinéma depuis longtemps et même si le film de Valentine Cadic ne le réinvente pas particulièrement, il le traite avec une légèreté et une certaine innocence qui peut rappeler l’errance de Scarlett  Johansson à Tokyo dans Lost in Translation de Sofia Coppola. Comme Charlotte, Blandine est venue dans la mégapole pour être au contact des siens, mais elle se perd dans cet environnement qui lui est totalement étranger. Les plus grands amateurs du style de la fille du réalisateur d’Apocalypse Now pourront même remarquer la présence de plans matinaux dont la composition visuelle et colorée n’est pas sans rappeler le douloureux réveil de Kirsten Dunst dans Virgin Suicides. Car malgré l’agitation qui s’est emparé de la capitale, il se dégage du film une grande sensation d’intimité, comme si les JO étaient soudain mis au second plan pour laisser place à l’exploration des retrouvailles familiales : en témoigne cette scène où Blandine se fait interviewer par un jeune journaliste sportif et passe sans transition de son intérêt pour la nageuse Béryl Gastaldello à son histoire familiale.

 

 

Car la famille constitue bel et bien le cœur du récit, même si celle-ci est loin d’être parfaite entre une demi-sœur qui est présente sans vraiment l’être et l’ancien compagnon de cette dernière dont l’opposition aux JO vient se heurter à l’excitation de Blandine. La jeune femme se retrouve à la fois témoin et victime de cette instabilité tandis que les épreuves s’enchaînent sans qu’elles puissent y assister. Cependant, c’est loin du tumulte de la journée et dans le calme de la nuit que notre protagoniste va finalement s’épanouir au contact d’un jeune homme travaillant de nuit sur le site de la piscine olympique : elle qui souhaitait savoir à quoi ressemblait ce lieu unique finit par le découvrir de la manière la plus originale qui soit.

Après cette aventure, Blandine regagne sa terre de Normandie où elle renoue avec le bleu de l’océan, heureuse d’être revenue chez elle mais aussi d’avoir fait le déplacement jusqu’à la capitale. Face à l’immensité de l’Atlantique montrée dans l’ultime plan, le bassin des JO paraît bien dérisoire pour cette jeune femme qui a quitté sa région natale pour mieux se trouver ailleurs. L’horizon qu’elle fixe est donc celui de possibles retrouvailles avec sa famille qui, peut-être, fera à son tour le déplacement pour venir lui rendre visite. Avec cette fin ouverte et prometteuse, Valentine Cadic nous rappelle que ce ne sont pas les épreuves des JO qui font l’histoire mais les rencontres qu’elles produisent, les amitiés qu’elles créent et les émotions qu’elles suscitent.

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