Le Jour de la grenouille

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À l´aune de la psychanalyse, la documentariste Béatrice Pollet interroge l´alchimie souterraine de l´amour à travers un coma qui permet trop de flashes-back et forward.

Après avoir lu La Gradiva de Jensen, que Sigmund Freud a quant à lui analysée dans Délire et rêve dans la Gradiva de Jensen, Béatrice Pollet a décidé de nous offrir ce film sur le cheminement souterrain du désir et de l’amour. Belle idée et le public n’y a pas été insensible puisqu’il lui a accordé son Prix au festival de La Roche-sur-Yon, mais le scénario souffre un peu trop d’un abus de flashes-back et de quelques flashes-forward qui rendent le film quelque peu chaotique. Pour finir, la réalisatrice a choisi un traitement brut de décoffrage avec une caméra épaule et les bruits réels comme les cliquetis de l’hôpital, le souffle de la malade, le bruit d’une motocyclette, et cætera. Peu de musique, sauf de temps en temps une musique tzigane et un chant, au milieu du film, celui de Carmen Maria Vega qui interprète Sarah dans le film et qui est le contrepoint parfait d’Anna, plus réservée, plus angoissée, et encore dans le deuil de sa mère.

L’abus de métaphores et de symboles est peut-être dangereux pour la santé au cinéma. Voulant traiter finalement d’amour et de psychologie des profondeurs, Béatrice Pollet, et c’est sa liberté, choisit de faire de ses deux personnages principaux des archéologues. Profondeur, retour aux sources, et cætera. Il se trouve que c’est dans l’explosion d’un site d’archéologie dans lequel ils cherchaient à comprendre une sépulture très ancienne que trois archéologues sont grièvement blessés, surtout Anna qui tombe dans un coma profond. La réalisatrice se sert de ce coma pour faire évoluer l’action comme une machine à remonter le temps, mais du coup les situations deviennent moins crédibles. On a l’impression que, du fond de son sommeil, Anna devient de plus en plus amoureuse de Peter qui, au moment de l’accident, avait pourtant une liaison avec Sarah. Il en est de même pour Peter qui, à partir du moment où il va rendre visite à Anna appareillée, se rend compte très vite qu’il en est de plus en plus amoureux. Mais pour quelle raison : culpabilité, pitié, on ne pourra que le supputer mais il faut dire que la réalisatrice ne nous aide pas trop avec son scénario alambiqué.

 

On comprend très bien que, à l’aune de la psychanalyse, Béatrice Pollet, qui a déjà réalisé des documentaires tels que Qui sommes-nous ? (2006) ou Je suis née transexuelle (1995), veuille interroger l’alchimie souterraine de l’amour, mais on a du mal à imaginer comment et par quel miracle deux personnes que tout sépare pourraient devenir amoureuses l’une de l’autre. C’est une sorte d’adaptation de L’Amour fou d’André Breton qu’elle essaie de nous donner ici, tant et si bien que la fille de Peter, qui a bien compris l’évolution de son père, lui demande ce qui se passera si Anna ne revient pas à la vie. La métaphore se précise justement aussi par le titre du film et les multiples grenouilles et têtards qui hantent le film. On passera sous silence l’image du conte de fées du baiser au crapaud qui le transforme en prince charmant, pour revenir plutôt à ce qui fascine la réalisatrice : ce qui est caché, tu, en gestation. Et le têtard en est un bel exemple, lui qui, dans l’eau glauque de la mare, se transforme jusqu’à devenir grenouille. D’où "le jour de la grenouille", ce moment où la jeune femme, ayant fini sa métamorphose, pourra se réveiller autre et aimer le prince charmant qui, en l’occurrence, sous les traits de Patrick Catalifo est un peu fané. Seule Fanny Cottençon, en mère alcoolique, tire son épingle du jeu.

C’est dommage, Béatrice Pollet tenait un très bon sujet, mais quelquefois les bonnes intentions se noient dans les méandres de mises en abyme pas souvent très constructives. Pour fouiller le passé, il faut quelquefois un peu plus qu’une balayette à nettoyer la poussière des sépultures.
 

Titre original : Le Jour de la grenouille

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Durée : 98 mn


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