Le jardin des Finzi Contini

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D’après le roman italien de Giorgio Bassani.

En Italie, en 1938, le fascisme grignote le pays. Les mesures anti-juives se multiplient. Leur espace vital rétrécit. Les Finzi-Contini, aristocrates, accueillent des jeunes gens dans leur jardin, un havre de paix, un lieu encore immaculé face à l’horreur fasciste et nazie qui gagne l’Italie. Giorgio a l’occasion de revoir son premier et seul grand Amour : Micol…

Le jardin est le lieu central du film. La clé de voûte. Il est un espace dans lequel se règlent et se dérèglent les plans, les espoirs, les attentes de la jeunesse italienne d’avant-guerre. Cette jeunesse pure, idyllique et habillée de blanc enregistre et cristallise les maux de l’Italie d’antan. La lente et inexorable montée du fascisme rend dérisoire tous les espoirs amoureux, professionnels, de cette jeunesse vouée à disparaître sous les coups de boutoirs de l’extrême droite. Le film prend alors les traits d’une authentique utopie : le meilleur imaginé mais jamais concrétisé. Cette utopie misanthrope se trouve traduite par De Sica par une utilisation de couleurs austères : marrons, gris, beige…

De couleurs froides aussi, le blanc des vêtements laissant transparaître la pureté des jeunes gens encore naïvement épris d’espérances futiles. Leurs espérances sont d’ailleurs nourries par des phrases ironiquement dévastatrices aujourd’hui : le père Giorgio disant avec soulagement que Mussolini est mieux qu’Hitler… L’univers des camps est d’ailleurs montré par le tatouage d’un jeune homme que Giorgio rencontre à Grenoble. Plus le nazisme se propage, plus De Sica, admirablement, confine l’espace pour les personnes juives. Il pervertit des lieux d’innocence et d’insouciance comme les écoles ; les juifs y sont massés comme dans une prison. Il n’y a plus aucune morale. Un idéal s’écroule grâce au brio de la reconstitution de l’Italie de 1938.

L’étude sociologique est remarquable. Les clivages sociaux dans la communauté juive sont montrés avec sobriété. Sobriété qui puise sa puissance dans l’austérité du film. Le monde est déjà sombre alors que la guerre n’a pas commencé. Le film, en quelque sorte, anticipe la mise à mort et la fuite des juifs, et la difficile Résistance en Europe par une utilisation de la couleur qui plombe le film. La lourdeur de celui-ci rend suffocante son intervention. Le tour de force de De Sica est de donner à la sobriété de sa réalisation, en la resserrant au maximum, malgré l’utilisation intempestive du zoom due aux années 70, une valeur de désignation brute. La caméra bouge peu. Elle pointe, elle souligne la radicalité des lois émergentes. C’est en cela que la deuxième partie du film participe à déconstruire ce qui fut mis en place durant la lente première partie. De Sica crée un système, un microcosme, une hiérarchie pour mieux la faire exploser dans sa seconde partie. Elle agit comme un revers de ce qui fut pré-établi.

Cependant, cette déconstruction pourrait avoir des germes dans l’utilisation du montage qu’en fait le réalisateur italien. Des plans de coupes soudains, abruptes, d’authentiques chocs visuels brisent, fragmentent un plan pour fissurer la structure continue du montage. Ce subtil choix permettrait à De Sica d’exprimer la déchirure politique et sociale qui va advenir en Italie. Les petits plans, au-delà de leur forte connotation contemplative, agissent comme un repoussoir. De plus, ils cassent la cohésion d’un montage qui se veut linéaire. Les soubresauts en question permettent d’intégrer de façon implicite la rupture dans la cohésion du monde représenté. Ces plans-types, donnant une alternance au montage, représenteraient artistiquement, pour De Sica, les prémisses de la montée en puissance du fascisme italien. Un geyser violent surgissant des profondeurs venant briser l’écorce. C’est un idéal et une intégration réussie des juifs en Italie qui s’effondrent.

De Sica aborde le film avec force et délicatesse. Il le teinte d’humour, d’un léger érotisme aussi lorsque la pluie laisse deviner la poitrine de Micol… L’adaptation du roman de Giorgia Bassani imprègne son film d’un infantilisme harmonieux et légèrement euphorisant. Cependant, les contrepoints de cette manière de vivre, le fascisme et le nazisme, rendent palpable, tangible une perte énorme : celle de l’innocence.

Titre original : Il Giardino dei Finzi-Contini

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Durée : 94 mn


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