Le grand couteau (Version restaurée/ HD). Sortie Combo Blu-ray + DVD+ Livret chez Rimini Editions

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Une star hollywoodienne poussée dans les cordes par ses pairs. Robert Aldrich à la baguette et Jack Palance sur le ring pour une remarquable attaque au vitriol.

Boulevard du crépuscule

Sans posséder une tonalité aussi fataliste que Boulevard du crépuscule (Billy Wilder, 1950), l’introduction du Grand couteau lui emprunte ses éléments contextuels prophétiques. Présentés par  une voix-off quelque peu désabusée, le quartier ultra résidentiel quasi désert et la résidence de luxe star occupée par une star  hollywoodienne  introduisent le doute. Contrairement à Norman Desmond, dont la gloire n’est qu’un lointain souvenir, Charles Castle (Jack Palance)  vient d’atteindre les cimes du Star System. Il est à l’aube d’un nouveau départ,  en fin de contrat avec  son studio, sa lassitude et son épouse, Marion (Ida Lupino) le poussent vers une sortie définitive, tandis que son producteur, Stanley Hoff (Rod Steiger) le presse pour un nouveau bail de sept ans.

La valse des truands

En adaptant la pièce éponyme de Clifford Odets, Robert Aldrich fait son miel de ses contraintes théâtrales : unité de lieu – brièvement interrompue par une scène à la plage, et pour une autre occasion-, unité d’action,  et unité de temps, pour orchestrer une tourbillonnante et funeste valse des pantins. Dans le salon de la star, s’invitent, se croisent, s’allient, se confrontent  les membres de sa caste, animés d’une bienveillance à géométrie variable. L’occasion de pénétrer dans l’antre de la bête. Le grand chantage commence par la journaliste people qui menace Charles de révéler son implication dans un fait divers, si ce dernier refuse de l’informer en exclusivité sur son futur divorce. Après avoir envoyé son homme de main, Smiley Coy (Wendell Corey), le big boss, Stanley Hoff, vient en personne  mettre le couteau sur la gorge de son protégé. Tiré à quatre épingles, droit comme un I, la voix haute et menaçante, Rod Steiger campe avec l’outrance qui caractérise souvent son jeu un capo mafieux auquel il est impossible de refuser les moindres propositions.  Pieds et poings liés, Charles est bloqué dans les cordes, obligé de se coucher devant les injonctions de son mentor, la référence aux films noirs pugilistiques suggérée par l’impressionnant générique signé Saul Bass et enrichie par la suite, trouve alors tout son sens.

Au risque de se perdre

Ce jeu de massacre, qui pourrait n’être qu’une mécanique scénaristique bien huilée, sort du cadre strictement rationnel des événements. À commencer par l’unité de temps, étrange à plus d’un titre ;  les événements se succèdent en quatrième  vitesse, donnant l’impression que quelques heures suffisent à l’affaire. Mais les nombreux allers-retours, nécessaires pour que chacun avance ses pions, et plus fortement l’évolution de la relation entre Charles et son épouse, éclatent la temporalité. La confusion entre le jour et la nuit, entre les différentes soirées, les changements de tenue de Charles,  installent la confusion. Aussi désarçonnant, la liberté dont chaque personnage dispose pour prendre place dans la villa de l’acteur, sans que ce dernier n’en soit surpris. Encore plus hors-sol, les allées et venues  de Marion. Comme dans Laura (Otto Preminger, 1944), la première de ses apparitions la présente comme un fantôme. Elle était à l’étage sans que Charles ne soupçonne sa présence. Après leur séparation de corps, elle sera régulièrement à ses côtés, comme un ange protecteur. Douce, évanescente, sensuelle, la grâce magnifiquement éclairée d’ Ida Lupino contraste avec la noirceur du tableau.

 

Palance : corps et âme

Jack Palance, un physique hors-normes pour l’histoire du cinéma. Taille et carrure  impressionnantes. Visage sculpté à la serpe, aux pommettes saillantes, au regard sombre. Sa seule présence peut imposer l’effroi comme dans la peau de Jack l’éventreur dans L’Étrange Mr. Slade (Hugo Fregonese, 1953), ainsi que dans ses nombreux rôles de bad guys, aussi bien dans le western que dans le film noir. Pour Charles, Palance rentre légèrement les épaules, sous le poids du doute et de la pression. Son corps musculeux est exhibé comme un objet de désir, lustré, soigné aux petits oignons par son masseur et préparateur physique assigné à domicile. Charles voudrait en finir avec les personnages stéréotypés qui ont fait son succès – méta discours de Palance ? Processus de déconstruction d’une masculinité toxique ? Sa crise existentielle le conduit au bord de l’hystérie, dans un état proche de  Blanche Dubois dans Un Tramway nommé désir (Tennessee Williams). Sur son faciès transpire – au sens propre et figuré – le doute, l’angoisse, l’appel à l’aide. Des gros plans qui révèlent la douceur d’un visage d’enfant. Plus qu’une remarquable performance, son apothéose.

Le grand couteau (Version restaurée/ HD). Sortie Combo Blu-ray + DVD+ Livret chez Rimini Editions

 

Titre original : The Big Knife

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Durée : 111 mn


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