Le Cirque (The Circus)

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Nous sommes en 1928, et Le Cirque (The Circus) est le quatrième long métrage de Chaplin. Le film rencontrera un vif succès auprès du public, et le cinéaste sera récompensé dans la foulée par un Oscar pour (déjà !) « l’ensemble de son œuvre ». Cependant aujourd’hui, Le Cirque est probablement l’un des Chaplin les […]

Nous sommes en 1928, et Le Cirque (The Circus) est le quatrième long métrage de Chaplin. Le film rencontrera un vif succès auprès du public, et le cinéaste sera récompensé dans la foulée par un Oscar pour (déjà !) « l’ensemble de son œuvre ». Cependant aujourd’hui, Le Cirque est probablement l’un des Chaplin les moins connus, situé loin derrière Les Temps modernes ou Le Dictateur en termes de notoriété. Et pourtant, il s’agit d’un des sommets du cinéma burlesque et de manière générale, du cinéma muet, tout bonnement.

Charlot, une nouvelle fois mis à contribution, est poursuivi par la police pour pickpocket. Au cours de sa fuite, il se retrouve dans un cirque et provoque l’hilarité du public bien malgré lui. Le cupide directeur du cirque saute sur l’occasion et malgré le manque de talent comique de Charlot, il l’engage. Le vagabond sera le clou du spectacle, mais il ne doit en aucun cas le savoir ! Comme à son habitude, Chaplin n’a écrit pour ce film aucun scénario. Tout est parti d’une idée de gag : celui dans lequel Charlot, transformé en funambule, est assailli par une horde de singes. Toute l’histoire a été structurée autour de cette séquence, point d’orgue du film. Lors des séquences comiques elles-mêmes, Chaplin, a tout juste un canevas. Place ensuite à la spontanéité : il compose son numéro comique en grande partie en improvisant et laisse la caméra tourner. Il « écrit avec la caméra ».

Les séquences comiques s’enchaînent à un rythme incroyable. L’inventivité dont fait preuve Chaplin est remarquable, le comédien se permettant même quelques références à de grands numéros classiques (le barbier, Guillaume Tel). Le Cirque marque peut-être l’apogée du mime et du cinéma burlesque, de l’improvisation et de la spontanéité. Comment ne pas rire quand Charlot, pour échapper à la police, feint d’être un automate, ou quand il se retrouve coincé dans une roulotte avec un lion ?

Puis l’émotion s’en mêle. La romance s’amorce, et c’est toute la poésie et la sensibilité du cinéaste qui se déploie. Tout comme il l’avait fait lors de ses trois précédents longs métrages, Chaplin trouve ici un équilibre d’une grande justesse entre « rire et larmes », comme il aimait à le dire lui-même. L’humanité et la naïveté de Charlot tranchent avec la cupidité du directeur du cirque, incarnation du capitaliste pour qui la vie ne représente qu’une chose à rentabiliser. Le cinéaste introduit en outre, en filigrane, des sujets qui seront les clefs de voûte de ses prochains films : la solitude de l’artiste, la nécessité du succès, l’aspect éphémère de la gloire, l’exploitation des hommes par les enjeux économiques.

Après La Ruée vers l’or et juste avant Les Lumières de la ville, Chaplin nous gratifie donc une nouvelle fois d’un film superbe. Les trois films ont en commun d’être, avant toute chose, de magnifiques « petites histoires », de celles que l’on raconte aux enfants pour dormir. Cependant, même si le cinéaste n’est pas aussi désabusé qu’il le sera lors de la fin de sa carrière, on le sent de plus en plus impuissant face à la mesquinerie des hommes, leur égocentrisme et la sécheresse de leurs sentiments. En racontant l’histoire de ce vagabond exploité par le propriétaire d’un cirque, il évoque la condition de l’artiste, sa solitude et son courage.

Après The Kid, L’Opinion publique, La Ruée vers l’or et Le Cirque, on pouvait se demander si Chaplin serait capable de faire mieux. La réponse, foudroyante, à jamais marquante, arrivera très vite, dès son prochain film, Les Lumières de la ville.

Titre original : The Circus

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Durée : 72 mn


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