L’histoire est belle. Simple et touchante à la fois. Antonio aime se voir dans les reflets des yeux perdus d’innocence. Il aime caresser les cheveux légèrement emballés des jeunes filles en fleurs. Il aime à dorloter les pauvres corps des dames des bois italiens. Derrière ce grand aura viril et diaboliquement charismatique, se terre un caractère instable doublé d’un sérieux handicap : l’impuissance sexuelle. Idée grandiose de pourrir le héros de cette tâche indélébile, de corrompre ce stéréotype, de le trainer dans la boue et de le ridiculiser définitivement.
Le sexe, quelle grande affaire. Pasolini fut l’un des cinéastes de sa génération à l’avoir filmé avec beaucoup d’intelligence, son Enquête sur la sexualité en 1965 continue de résonner dans les esprits des veinards l’ayant découvert dans une salle sombre. Le scénario du Bel Antonio fut rédigé par l’auteur du Décaméron et confié à Bolognini dans le seul but de magnifier la décadence de ce pauvre enfant sans jouet. Le résultat est plus que convaincant, il retranscrit parfaitement l’idée de pauvreté mêlée à celle de renouvellement des caractères des protagonistes de cette histoire. Pasolini écrit la mort en marche tandis que Bolognini la filme discrètement. On appelle cela une belle équipe !
Hormis une solide construction narrative qui conduit le héros dans un engrenage savamment pensé, il faut saluer l’interprétation excitante et gonflée de Marcello Mastroianni qui en un clin d’œil, dépoussière les clichés du séducteur à la botte de velours. L’Italie est en deuil et la gestuelle de l’acteur épouse très justement la dégringolade sociale de son personnage.
Qui connaît de nos jours Mauro Bolognini ? Cinéaste italien réputé pour son esthétisme raffiné (La Grande Bourgeoise avec une Catherine Deneuve jouissive) et pour ses adaptations littéraires subtiles (Les Garçons de Pier Paolo Pasolini), il traversa le cinéma italien aussi vite qu’il fut oublié. Mésestimé, pointé du doigt par des incrédules, le cas Bolognini reste l’un des plus beaux ratés du paysage artistique italien. Bonne raison, donc, de (re)voir Le Bel Antonio.