En pleine canicule, au milieu du désert de l’Arizona, la seule station-service à 150 km à la ronde est exsangue. Pas de veine pour les employés et les clients -ceux de passage et habitués- qui devront quelque peu patienter jusqu à la prochaine livraison de carburant, et ce dans la pire des compagnies car parmi eux figurent deux braqueurs en cavale. Pour son premier long, Francis Galluppi s’appuie sur le plus court des concepts pour organiser son petit jeu de massacre. Comme terrain de jeu, une topographie très circonscrite- le Dinner, la station service et les proches alentours. Des enjeux primaires : survivre et/ ou rêver de garder pour soi le pactole. Des personnages taillés à la serpe afin d’éviter de les présenter dans le menu. Une tension installée dès le coup d’envoi par les regards, la sueur, accentuée par la suite des événements.
L’ouest, le vrai.
Dans la Grande Histoire de l’Ouest, Yuma a, entre autres, déjà eu droit à son Fort (Fort Yuma, Lesley Selander, 1955), ses deux trains : 3 h 10 pour Yuma, celui de Delmer Daves (1957), et celui de James Mangold (2008). Galluppi veut sans ambages inscrire sa petite histoire dans le cadre codifié du grand western classique. Le cadrage de la scène d’ouverture, une mystérieuse attente, évoque une menace diffuse mais proche. (Il était une fois dans l’ouest, Sergio Leone, 1968). Le lyrisme supposé des grands espaces est immédiatement évacué, le désert devient une voie sans issue dans laquelle le mal va tisser sa toile. Thème classique du Western, intemporel et universel également : dans une communauté, il suffit de deux hommes sans foi ni loi pour mettre tout le monde au pas. Forces de l’ordre impuissantes, citoyens démunis et désunis, le récit vire au film noir. Galluppi convoque les figures du drame et distribue les cartes avec une belle économie narrative. Dans le Dinner, sa scène de théâtre principale, avec peu de mouvements de caméra et de jeux de focales les positions et mouvements de chacun font sens et annoncent le meilleur pour nous, le pire pour le sort de ses personnages. Dommage que cette belle architecture une fois installée se mette alors à ronronner. Se reposant trop sur la multiplication des micro événements et les faciès inquiétants des malfrats -un duo ressemblant à celui de la scène inaugurale d’ A History of Violence (David Cronenberg.2005).

Du sang dans la poussière.
Contrairement à ce que l’argument marketing affirme, pour faire monter la mayonnaise. Francis Galluppi ne surfe pas sur la vague Tarrentino, ni dans le texte -pas de partie de ping-pong verbal- ni dans la déconstruction de la linéarité de l’histoire. Et si, effectivement, , il emprunte aux Frères Cohen ses flics empotés et trop plein de bon sens, et fait citer Terence Malick, La Balade sauvage (1973) par un jeune couple, ce ne sont que des clins d’œil pour flatter notre cinéphilie, et non un manque de personnalité de la mise en scène. Le Gunfight, un type de climax qui donne souvent lieu à une surenchère est mené ici avec une sérénité et une intensité déconcertantes. A partir de ce virage, le cynisme qui pointait régulièrement le bout de son nez est mis sur la touche, le drame trouve alors toute sa profondeur. Et l’horreur sa triste « humanité ». Le représentant de commerce, subtil et discret Jim Cummings incarne les travers qui nous guettent tous dans de tels moments. Un dérapage incontrôlé en plein désert comme apothéose de ce dernier arrêt pour Yuma. On suivra la suite du trajet de ce jeune réalisateur.




