Spielberg et E.T. comme modèles
Pour un premier long métrage, on ne peut pas dire que Léo Karmann, et sa coscénariste Sabrina B. Karine, aient choisi la facilité. Voilà des années qu’ils ont grandi avec ce scénario en tête sans pouvoir le tourner car la France ne donne pas leur chance aux jeunes et n’aime pas trop les films un peu fantastiques. Pourtant leur histoire rend hommage au cinéma qu’ils aiment et qui a bercé leur jeunesse, par exemple Spielberg, et notamment E.T. Le premier plan du film montre les lampions d’une fête foraine, puis la déambulation quasi somnambulique d’un jeune homme qui finit par s’acheter une barbe à papa. Déjà nous sommes en plein dans une approche narrative à la fois poétique et quelque peu surréaliste. On comprend très vite qui est ce jeune homme et on découvre que Simon, orphelin qui vit dans une maison d’accueil, a le don de se transformer en qui il veut, du moins qu’il a touché au préalable cette personne. Le récit commence en fait comme une sorte de conte fantastique et, crescendo, ira vers le polar et enfin le thriller débouchant sur le contraire du happy end. Difficile d’en parler sans déflorer complètement l’intrigue, mais disons qu’au cours d’une fête sur un bateau à laquelle son groupe participe, il fait la connaissance d’un garçon de son âge et de sa soeur et qu’une grande amitié va naître entre eux trois. Une chance pour Simon qui rêve d’être adopté par une famille aimante. Le transformisme du jeune Simon, une fois qu’il a été accepté comme donnée principale du scénario, se conçoit assez facilement en fait, même et y compris si cela n’est pas très cartésien. Mais le réalisateur est bien parvenu à camper ses personnages, le lieu qui est une belle maison sur la mer en Bretagne et une atmosphère qui devient peu à peu anxiogène, un peu à la manière de leur film culte, E.T.
Un scénario un peu alambiqué
Mais vers la moitié du film, les choses se gâtent et le spectateur risque d’avoir du mal à s’y retrouver dans toutes ces transformations surtout lorsque, sortis de l’enfance, les deux personnages censément frère et soeur, vont finir par vivre une histoire d’amour, seulement bien sûr au moment où le Thomas, le frère, redevient Simon, le petit ami. On a frisé l’inceste, car il suffirait d’une toute petite erreur pour que le scénario bascule dans le franchissement d’un tabou. De plus, cette interchangeabilité entre les deux garçons a comme un relent non dit d’homosexualité non vécue, comme si Simon avait trouvé en Thomas sa moitié d’orange, rendant l’histoire encore plus étrange, voire platonicienne. Comme les jeunes filles sont toujours plus futées que les garçons, Madeleine, dite Mad comme folle, et atteinte d’une maladie orpheline, découvrira le pot aux roses. En fait, et parce qu’elle était au fait du secret de Simon, de même que son frère, elle n’aura aucun mal à découvrir que Simon et Thomas n’en font qu’un, sorte de Janus surréaliste, ce qui donne d’ailleurs lieu à des effets spéciaux particulièrement réussis pour un premier film. Malheureusement, c’est vers la fin du film, lorsque les parents découvrent la supercherie, que le film perd à la fois en intensité et en crédibilité. Tous ces changements de carapace du garçon passant d’un rôle à l’autre compliquent un peu trop la narration qui aurait gagné à être plus resserrée. Quant à la fin, même si elle fait preuve d’une grande virtuosité, elle demeure un peu fragile puisque le spectateur a compris que Simon, dans la clinique où est soignée Mad, ne va cesser de changer de corps pour échapper à la police qui le recherche. Pourtant le plan final constitue une surprise de taille, qu’on ne dévoilera pas, car nous en avons déjà trop dit.