Kyuka – Avant la fin de l’été

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Rewind

À la manière d’un conte rohmérien, le film met en scène une histoire estivale en chassé-croisé, se déroulant sur un voilier aux abords de l’île de Poros. Alors que Babis tente d’organiser une rencontre entre ses enfants (Konstantinos et Elsa) et leur mère biologique (Anna) disparue pendant leur enfance, ces derniers sympathisent par hasard avec ses filles, ignorant qu’elles sont en réalité leurs demi-sœurs. Cette histoire complexe mène ainsi à son lot de situations fortuites, entre quiproquos, disputes et jalousies. Mais ce drame familial n’est presque qu’un prétexte permettant au cinéaste, Kostis Charamountanis, de proposer, comme le titre du film l’indique en mélangeant langue japonaise et anglaise : un objet atypique. 

Kyuka – Before Summer’s End s’avère en effet riche de propositions, jouant sur une palette d’effets de montage avec des arrêts sur image, des boucles, ou encore des jump cut. Si dans leurs incisions au reste du film, ces expérimentations formelles ne sont pas toujours remarquables, elles ont la qualité d’induire des ruptures temporelles annihilant ainsi toute forme de réalité de cette saison si particulière qu’est l’été. Voilà le cœur de l’entreprise ; faire surgir la sensation de l’été, d’un temps dilaté et gorgé de nostalgie. De par son format 1.33, son image granuleuse et son début s’ouvrant sur le menu d’une cassette VHS, Kyuka – Before Summer’s End, se travestit en film de famille. Le film tend en effet à s’imprégner d’une esthétique amatrice, créant l’illusion que le spectateur contemple des souvenirs enregistrés à l’aide d’un caméscope. Les effets de montage accentuent cette impression, notamment par les arrêts sur images ou encore la répétition prolongée d’une chute pouvant évoquer un geste de rembobinage. Toutefois, l’acte de rembobiner n’est pas le fruit d’une pratique domestique réalisée par le spectateur, mais bien orchestré par le cinéaste, qui, par ce biais, nous relève sa posture démiurgique. Inspiré par les étés qu’il a passés enfant à bord du voilier de son père sur l’île de Poros, Kostis Charamountanis pioche directement dans ses souvenirs pour les entremêler à la fiction. Finalement, à travers Kyuka – Before Summer’s End, le cinéaste nous présente le film de ses vacances imaginaires en donnant corps à ses souvenirs.

Titre original : Kyuka - Before Summer's End

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Durée : 103 mn


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