Jeunesse aux coeurs ardents

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Infatigable, Cheyenne Carron nous livre un nouveau film, encore plus radical.

Une réalisatrice qui force l’admiration

Cheyenne Carron force l’admiration, déjà par son rythme de travail et, surtout, par le fait qu’elle travaille sans subventions, ni aides d’aucune sorte. Pour qui connaît le monde cruel du cinéma, et de la culture en général, cela ne semble ni étonnant, ni rare mais Cheyenne Carron persiste et signe. Son prochain projet, encore une fois refusé par le CNC, elle le réalisera quand même. Elle s’en explique dans le dossier de presse du film : « Le Centre national du Cinéma vient de me refuser une subvention pour mon prochain film dont le thème principal évoque les blessures invisibles du soldat et je commence à être épuisée de faire mes films avec des bouts de ficelle… mais j’y arriverai. » Pourtant, elle possède une grâce et un talent indéniables et, même si ses films ne peuvent pas plaire à tout le monde et notamment à la pensée unique, ils fonctionnent et s’améliorent au fil du temps. Avec ce dernier long-métrage, Cheyenne Carron aborde frontalement le thème de l’armée, de la guerre et de l’idéal de la jeunesse. Cette jeunesse aux cœurs ardents qui donne le titre du film est de nos jours souvent désabusée et se cherche des idéaux.
 


Loyauté et courage

David, un jeune homme brillant qui fréquente on ne sait trop pourquoi des losers malhonnêtes, se rapproche peu à peu d’un vieil homme, ancien légionnaire, qui lui enseigne ce qui lui manque peut-être : la loyauté et le courage. Terrain miné bien sûr, mais le film repose en fait sur cette amitié fragile entre un homme de 90 ans aux portes de la mort (remarquable André Thieblemont) et un jeune homme (interprété de manière solaire par Arnaud Jouan que Cheyenne Carron révèle comme elle avait révélé Mélanie Thierry en 2005 avec Ecorchés) que la vie appelle mais qu’elle déçoit aussi. Le thème de la jeunesse désabusée n’est une nouveauté ni en littérature, ni au cinéma, mais là où un cinéaste reconnu par l’establishment nous offrirait un énième film sur le désespoir, la violence ou le no future, Cheyenne Carron décide d’explorer le chemin de ceux qui choisissent l’ordre, la parole donnée et le devoir. L’armée que David découvre au travers d’un DVD que lui a prêté le vieux militaire et qui, contrairement à toute attente (puisque son père est un pacifiste de gauche et sa mère une professeur de philosophie), va être pour lui une révélation.

La Légion étrangère comme idéal

Cheyenne Carron en profite pour revenir mine de rien sur sa vie et ce qui l’a formée. On sait qu’elle est pupille de la nation, d’origine kabyle et ses films sont de plus en plus habités par l’idée de la nation, des origines et du chemin parcouru. Interprété par de vrais anciens militaires qu’elle a rencontrés par le biais d’associations d’anciens combattants, Jeunesse aux cœurs ardents entre de plain-pied dans la Légion étrangère, ce corps d’armée qui fascine, intrigue mais en déroute plus d’un. Pourtant, déclare-t-elle, « La Légion, je voulais moi-même m’y engager lorsque j’avais 16 ans. Lorsque j’étais jeune, ça représentait mon idéal. Je pouvais y trouver une famille, changer de nom, servir mon drapeau car en tant que pupille de l’État, ça avait un sens pour moi. » La cinéaste, on le sait, ne manie pas la langue de bois et son film s’impose par la force de son sujet et sa réalisation impeccable, même si le scénario fait parfois fi de l’idéalisme petit-bourgeois pour donner à voir une sorte de fable philosophique moderne dont on sort à la fois séduit et interpellé. N’est-ce pas un peu ce que nous recherchons actuellement dans le cinéma qui manque cruellement de courage et de dignité, si bien qu’il n’est finalement pas étonnant que le CNC reste sourd aux demandes réitérées de la réalisatrice ? On en tirera les conclusions qui s’imposent.
 

Titre original : Jeunesse aux coeurs ardents

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Durée : 90 mn


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