Jacky au royaume des filles

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Une comédie romantique déjantée entre un homme en robe et une femme en uniforme.

Suite au succès public des Beaux Gosses (2009), son réjouissant premier film, Riad Sattouf était attendu au tournant. Avec bienveillance et sympathie, mais attendu au tournant. Si Les Beaux Gosses était une étude naturaliste de l’adolescent en milieu naturel, et néanmoins hostile, Jacky au royaume des filles est à la croisée du conte de fée et de la romcom traditionnelle.

Jacky (Vincent Lacoste), jeune homme de vingt ans, vit en République Démocratique et Populaire de Bubunne, état totalitaire comme son nom l’indique. Comme tous les autres garçons célibataires du pays, il n’a qu’un seul désir : aller au bal organisé par la Générale (Anémone, formidable en Kim Jong-Un au féminin), y séduire sa fille la Colonelle (Charlotte Gainsbourg) pour devenir son "Grand Couillon" et lui faire plein de petites filles. Mais dans une dictature matriarcale, les rêves d’un garçon ne deviennent pas toujours réalité. Jacky, maltraité par sa belle-famille (dont Didier Bourdon en tata marâtre), ne tardera pas à le découvrir.
 

Ce scénario, qu’on croirait tout droit sorti de l’imagination débridée d’une Femen, ressemble bien sûr à l’histoire de Cendrillon. Cendrillon que Riad Sattouf n’apprécie d’ailleurs pas plus que cela, et qu’il voit avant tout comme une jeune fille nunuche, prête à tout pardonner à celles qui l’ont asservie, dont l’unique but dans la vie est de passer de femme soumise à femme mariée. Rappelons aussi qu’après avoir dansé avec le seul homme du bal en uniforme, devant des milliers de personnes immobiles, elle raconte à ses amis rongeurs qu’elle n’a pas pu voir le prince. Autrement dit, elle a de la chance d’être jolie…

Comme son alter ego féminin, Jacky est le plus beau garçon du royaume, les filles se pâment à la vue de son mollet, et comme elle, il ne se distingue ni par son intelligence ni par son désir d’émancipation. Alors même qu’il aurait des raisons de vouloir se rebeller. Car à Bubunne, tandis que les femmes portent l’uniforme ou le pantalon, les hommes portant culottin et voilerie ne sont que des objets de fantasme relégués en cuisine où ils confectionnent une bouillie blanchâtre visqueuse et collante pour leur femme ou leur mère. Pour autant, Jacky n’est jamais présenté comme un martyr mais plutôt comme une victime consentante ou un collaborateur passif du régime. Son ambition ultime est de se marier, comme son père, et de rester à Bubunne alors même qu’un ami de la famille a l’opportunité de lui faire quitter le pays. S’il veut apprendre à écrire, c’est pour composer des poèmes aussi stupides qu’insipides à la gloire du pouvoir et non pour publier des tracts révolutionnaires. C’est une des meilleures idées du film : ne jamais tomber dans un discours misérabiliste ou moralisateur. Bonne nouvelle, Jacky au royaume des filles ne souffre pas du syndrome du Dictateur (Charlie Chaplin, 1945), le rire n’est jamais justifié ou racheté in extremis par un plaidoyer vibrant en faveur de la liberté et de la tolérance. C’est justement le rire, déclenché par le décalage, qui sert à révéler l’absurdité du monde dans lequel vivent ces personnages et, partant, celui dans lequel nous vivons, un peu à la manière de La Vie de Brian (Terry Jones, 1980). Bien sûr, la voilerie que portent les hommes ressemble à une burka mais le propos n’est pas dirigé seulement contre l’Islam ; oui Bubunne rappelle les dictatures soviétiques (le film a été tourné en Georgie) mais elles ne sont pas les seules à être visées. Armé de son mauvais goût assumé, ne reculant jamais devant le ridicule, Riad Sattouf tire dans tous les sens et atteint sa cible à chaque fois.

Côté mise en scène, par contre, rien de bien original alors qu’elle aurait pu venir au secours de la baisse de régime qui surgit vers la fin du film. A ce moment-là, le film s’essouffle quelque peu et le twist scénaristique à la Soleil Vert (Richard Fleischer, 1974) n’est qu’un prétexte artificiel pour relancer la machine jusqu’à son dénouement. Mais l’essentiel finalement, c’est que le film nous fasse rire : c’est potache, mais qu’est-ce que c’est drôle.

Titre original : Jacky au royaume des filles

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Durée : 90 mn


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