Bannies les vues d’ensemble ! Place à la cellule du plan serré ! À l’épaule, la caméra suit, tremble et nous submerge des peurs du personnage. La tension du début est paroxystique et l’identification maximale. Le dispositif est à priori simple : nous faire endosser le carcan des jeunes filles iraniennes. Ce type d’« idée film » est en vogue : les récents Keane de Lodge Kerrigan ou encore Le Fils des frères Dardenne en témoignent. Une adolescente, travestie en garçon, tente ainsi de pénétrer dans un stade où l’Iran s’évertue à arracher sa qualification pour la coupe du monde de football 2006. Elle est cependant vite rattrapée…
Dès le prologue, le film s’apparente à un vrai match (bien qu’il demeure hors champ). Tour à tour furieux, assourdissant, exalté et vite éreintant. Le cinéaste a tout de même le mérite d’initier un double mouvement. La distance qu’induit la tonalité légère et parfois ironique (pas si commune pour un tel sujet) fait pendant au « cadrage-prison » et permet quelques respirations salvatrices. Et en même temps, on l’aura vite compris, l’espace dans lequel les gardes enferment ces adolescentes n’est rien tant leur audace et leur pugnacité sont évidentes : les barrières qui les entourent dessinent les lignes d’un terrain de football, l’imaginaire comme essence de la liberté. L’autre avantage de cette manière de filmer, c’est de faire sentir la puissance du hors-cadre. Le lieu du désir est seulement entrevu, rêvé ou relayé par la parole (voir les commentaires passionnés du garde, le son plus généralement ou la télévision). Mais il ne peut pas être atteint matériellement. Du même coup, il ouvre le champ du fantasme et la nécessité de nourrir l’absence par autre chose. C’est là que réside la force du film.
Qu’en est-il des figures masculines ? On y trouve à parts égales adjuvants et opposants aux aspirations des jeunes filles. Les opposants sont les entités paternelles rigides : pères, autorités étatiques (militaires,…), le plus souvent entêtés et grotesques. La jeune génération constitue quant à elle le contingent adjuvant, plus ouvert, plus progressiste (voir la bande de garçons qui aident la jeune fille à s’échapper dans les toilettes).
Le thème de la lutte des femmes iraniennes paraissait avoir été traité, re-traité et sur-traité. Le choix du dispositif a pour mérite de poser un regard neuf sur le sujet, intéressant et audacieux à la fois. Mais il a ses limites : comme lorsque l’on va voir un match, on participe, on vibre et puis en sortant on est juste vidé, parfois euphorique. Mais pour sûr, on n’a pas appris grand-chose. Et il faut dire que la métaphore filée du combat sportif (jusqu’au titre même) a déjà été utilisée jusqu’à la quintessence. Finalement, l’originalité du film tient essentiellement à sa forme. Au contraire, l’interprétation est souvent poussive voire pas très convaincante (même si le registre est le plus souvent comique). Les ressorts dramatiques sont majoritairement prévisibles. Et la pirouette élégante de la fin arrive trop tard.