Après un passage remarqué au festival de Sundance, le premier long métrage de Remi Weekes, His House, bénéficie enfin d’une sortie sur Netflix pendant la période d’Halloween. Profitant ainsi de la lisibilité de la plateforme américaine, ce film d’horreur britannique propose d’évidentes ambitions thématiques et esthétiques malgré quelques faiblesses dans son exécution.
L’histoire est celle de Bol (Sope Dirisu) et Rial (Wunmi Mosaku), un couple de réfugiés soudanais qui se voit attribuer un logement social à son arrivée à Londres. Leur intégration va se voir compromise lorsqu’une suite d’événements étranges vient les terrifier et remuer un passé douloureux au sein même de ce logement social.
La visée thématique du film est donc assez transparente : mettre en images et donner à voir la difficulté du déracinement et la violence de la ghettoïsation. Le long métrage de Remi Weekes s’inscrit dans une certaine veine sociale du cinéma de genre en tentant de représenter la dualité des réfugiés de guerre, entre les efforts d’intégration et la peur de l’oubli, de soi et de ses racines. Et l’intérêt du film de Weekes vient de la matérialisation de ces enjeux thématiques et dramatiques par le biais d’idées de spatialisation assez passionnantes. Il y aura donc nécessairement une attention toute particulière portée au filmage des lieux, à l’espace qui encadre les protagonistes de façon à en donner à voir l’agressivité, la rigidité ou l’âpreté. Les rues de la banlieue londonienne deviennent alors des labyrinthes menaçants et les salles d’attentes du centre de réfugiés un espace clinique inquiétant. Cette appropriation de l’espace prend par ailleurs une proportion d’autant plus intéressante et poétique avec la fameuse maison confiée « généreusement » aux personnages principaux. En effet, ce bâtiment va tout autant être investi et persécuté par les esprits et les traumas du passé que le couple soudanais, Weekes s’amusant ainsi à faire écho aux films de maisons hantées troquant le traditionnel manoir gothique pour un logement social en piteux état. Les portes ouvrent donc ici sur des souvenirs, les fenêtres sur des rêves et les murs renferment culpabilité et esprits qui ne demandent qu’à ressurgir.
C’est par ce jeu assez malin d’évocations et de métaphores que le film de Remi Weekes arrive à éveiller l’intérêt du spectateur ; dommage donc que le cinéaste ait du mal à étendre cette curiosité à un morceau d’horreur et de cinéma suffisamment puissant et électrisant pour complétement emporter le spectateur.
Si quelques bonnes idées surgissent de cette notion de spatialisation, le bât blesse alors dans la tentative de donner corps à cette menace à travers des segments horrifiques, ici trop mécaniques et systématiques. En effet, le filmage, le découpage et l’agencement général mis à disposition par le cinéaste pour développer une horreur tangible, bien que symbolique et intime, a du mal à prendre vie, faute à des dispositifs la plupart du temps déjà vus et programmatiques. Notons l’exception du climax plus organique et gore, qui reste comme la rare séquence d’horreur assez excitante et marquante du film. Il est également assez regrettable de noter la fragilité avec laquelle Weekes installe un univers fantastique qui manque lui aussi beaucoup de chair, de matérialité.
Ce sont donc quelques visions poétiques et évocatrices qui viennent intéresser le spectateur qui regrette cependant que le film ne soit pas plus puissant et singulier dans son geste de cinéma, voire au fond, sans mauvais jeu de mot, plus habité.
Disponible sur Netflix.