Hellboy

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Daube infernale.

Hellboy aurait dû s’appeler Hellboy 3 si Les légions d’or maudites avaient connu un plus grand succès au box-office, si Del Toro n’avait pas été occupé par Le Hobbit et Les montagnes hallucinées, si les studios avaient été moins frileux…et si, et si, et si, avec des si on ferait un bon film. Ce qui est très, très loin, d’être le cas. Inutile de jouer les surpris, la bande-annonce et la présence au casting de Milla Jovovich laissaient déjà présager un bon gros nanar mais il n’empêche, on a beau y être confronté chroniquement, la nullité a toujours quelque chose de surprenant.

Le fait qu’au lieu d’être une suite, le nouvel Hellboy est finalement un reboot exécuté, en bonne et due forme, par Neil Marshall (Dog Soldiers, The Descent). Exit donc la future paternité de l’employé du BPRD, retour à la case départ : comment Hellboy est arrivé sur Terre, comment il lutte contre les monstres venus manger de l’humain et pourquoi il ne devrait surtout pas achever sa destinée : devenir Anung Un Rama, le Messager de l’Apocalypse. Seul l’adversaire change, il s’agit cette fois de Nimue, la sorcière de sang désireuse d’attirer Hellboy du côté obscur pour que vienne le règne des créatures de l’autre monde.

 

 

Ils sont venus, ils sont tous là

Et ce n’est pas forcément une bonne nouvelle. Gruagach, Nimue, Baba Yaga, des géants, un luchador vampire, Raspoutine, Merlin… pour (sur)peupler son film de créatures fantastiques – à l’exception notable de l’Ogdru Jahad –  Neil Marshall a pioché dans différents comics de la saga de Mike Mignola ; et n’en restitue qu’un gloubi-boulga mal digéré. Un monstre ne suffit pas à combler un trou dans le scénario et ne dispense pas de réfléchir à la. Là où Mignola déployait un bestiaire mythologique qui pour être syncrétique n’en oubliait pas d’être cohérent et signifiant, Marshall n’y voit qu’un réservoir prétexte à des scènes de baston. Un monstre = une baston, pas le temps de s’y intéresser comme à quelque chose de potentiellement moins binaire – ce que Del Toro avait pourtant réussi en quelques minutes avec l’Elemental dans le deuxième épisode.  Côté réflexion sur la narration on a vu mieux, mais y a-t-il eu seulement réflexion, nous sommes en droit de nous le demander. A ce titre, le recours quasi-systématique aux flash-back pour expliquer les origines ou les motivations – bien grand mot ici – des personnages est un aveu d’échec, comme si le film n’avait jamais été pensé dans son ensemble ce qui expliquerait son aspect patchwork. Les séquences s’enchaînent de manière superficielle (on en est quand même à afficher les noms de pays en majuscules sur des plans de coupes pour signaler des changements de lieux), et pas toujours très sensée, pendant deux heures et pourtant aucune histoire, aucun récit ne parviennent à émerger ; mais peut-être qu’au fond, Marshall n’avait rien à raconter. Tout cela aurait pu être nuancé par une direction artistique de qualité mais sur ce plan-là également, le film est une catastrophe.

 

 

La laideur

Ce qui frappe le plus, et ce dès la première minute du film, c’est sa laideur extrême. De Hellboy à la tête en pâte à sel pas cuite teinte en terre battue, à Baba Yaga ersatz du creepypasta Momo aux ectoplasmes au design très probablement inspiré d’une coloscopie, tous les maquillages FX et les effets spéciaux sont foirés de A à Z – sans parler des séquences d’action qui évoquent plus les cinématiques sur PS3 qu’un film tourné en 2019. Le film a au moins la qualité d’être cohérent dans sa mocheté. Le plus étrange réside dans ses éclairs gores – têtes qui volent, visages arrachés, corps démembrés en veux-tu en voilà – qui laissent penser que l’idée de départ était de donner une dimension horrifique au film. Une dimension aussi ratée que le reste, puisqu’elle ne provoque ni peur ni effroi ni dégoût mais seulement une interrogation : mais enfin, pourquoi ? Finalement le film a quelque chose de bien ringard dû, entre autres, à ses punchlines qui tombent toujours à plat et à ses moments baston/ralentis/heavy qu’on croyait disparus en même temps que les années 90.

Pas besoin de s’étaler sur plusieurs paragraphes pour dire que Hellboy est une catastrophe totale, filmée et montée à l’aveugle, et qu’il ne reste plus qu’à espérer qu’une suite ne verra jamais le jour.

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Durée : 121 mn


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