Gangster Squad

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Presque trente ans après « Les Incorruptibles », « Gangster Squad » remet au goût du jour tous les clichés du genre. Avec les moyens, voire l´attitude, mais sans aucune subtilité.

C’était inévitable. Il fallait bien qu’un jour les grands studios hollywoodiens se repenchent sérieusement sur ce genre si américain dans son imagerie et ses codes qu’est le film de gangsters. Le vrai de vrai, à base de feutres mous, de cabarets louches, de mafieux tirés à quatre épingles et de femmes fatales, avec une histoire située dans les années 30 ou 40 grand maximum. Des hommes sans loi, version redneck poisseuse distillée par ce grand esthète désenchanté de John Hillcoat, avait tiré un premier coup de semonce à Cannes en 2012. Et voilà maintenant que débarque la cavalerie : une grosse production Warner (forcément) débordant de stars sur leur 31, une histoire supposément vraie de bataille rangée contre le crime organisé à Los Angeles à la fin des années 40… Et des moyens, beaucoup, pour reproduire au mieux l’esprit de l’époque en intégrant dans ces décors vintage des scènes d’action tout ce qu’il y a de plus contemporaines : brutales, rapides, explosives. Du Raoul Walsh sous ecstasy. Après tout pourquoi pas ? Sauf que les bonnes intentions sont rarement gage de réussite : si niveau emballage Gangster Squad remplit son contrat pétoires et gueules d’amour, on déchante vite devant le résultat concocté par Ruben Fleischer, révélé avec Bienvenue à Zombieland (2009).
 
 
Grosses pétoires et déjà vu
 
 

 
 
Gangster Squad prend le parti de nous raconter la fin de règne du célèbre gangster Mickey Cohen, big boss du crime à Los Angeles à la fin des années 40, qui se retrouve confronté à une escouade secrète de flics incorruptibles ayant pour mission de détruire son empire. Cette brigade sans peur ni reproche (ni faux pli) est emmenée par le taciturne héros de guerre O’Mara qui n’a qu’une seule tactique pour réussir le job : tirer sur tout ce qui bouge. D’où fusillades, évasions, poursuites, bagarres et règlements de comptes à répétition, au milieu desquels une idylle se crée entre son second, le flegmatique Wooters et la pépée de Cohen, Grace.

Si elles ne sautent pas forcément aux yeux sur le papier, les ressemblances entre Gangster Squad et le classique de Brian de Palma, Les Incorruptibles (1987), deviennent aveuglantes une fois le film lancé sur des rails rappelant dans les premières séquences l’atmosphère noire et tendue du jeu vidéo L.A. Noire. L’affiche est là pour le souligner au marqueur rouge : les hommes de O’Mara sont aussi incorruptibles que bons tireurs. C’est le plus droit d’entre eux qui se charge de les recruter. À ses côtés : un vétéran qui en a vu d’autres, un spécialiste des mises sur écoute un peu timide, une fine gâchette qui suinte la classe, ainsi qu’une bleusaille mexicaine et un patrouilleur black dont on a la désagréable impression qu’ils sont présents pour répondre à tous les clichés ethniques imaginables à l’époque. Bref, à peu de choses près la même team que chez de Palma.

Mais Gangster Squad ne fait pas que transposer le postulat du film de Chicago à Los Angeles, le combat contre Al Capone à celui contre Cohen : c’est pour une génération qui serait née après 1987 à un véritable pillage en règle auquel on assiste. La structure du scénario, les relations entre chaque personnage, l’ordre même dans lequel certains d’entre eux disparaissent à l’écran, absolument tout est repris chez le réalisateur de Scarface (1983) et le scénariste David Mamet. Lorsque vient le moment de la fusillade finale dans l’hôtel où se sont réfugiés Cohen et ses sbires, un large escalier apparaît et on imagine alors avec un soupçon d’hébètement que là, Fleischer va littéralement griller un fusible et remaker en extrême ralenti (son pêché mignon) le final dantesque des Incorruptibles.
 
 
L.A. Caricatural
 
 

 
 
 
Difficile donc de s’exciter outre mesure durant Gangster Squad, tant chaque séquence en duplique une autre, déjà réalisée avec plus de panache et d’ampleur il y a moins de trente ans. Aucune surprise, aucun frisson, mais plus grave : aucune subtilité. Et pas que dans les scènes d’action, certes spectaculaires mais aussi variées qu’un Steven Seagal. Les dialogues, signés du scénariste de Castle (sic), sont parmi les plus plats et caricaturaux qu’on ait entendus de récente mémoire. C’est presque de la gêne qu’on éprouve lors de certains échanges où les acteurs luttent visiblement pour apporter un tant soit peu de nuance à des répliques aussi usées que « On doit tous mourir de quelque chose un jour » ou « Los Angeles n’est pas une ville parfaite… mais ça reste la Cité des anges ».

Parlons-en d’ailleurs, du casting. Tiré à quatre épingles, amoureusement déposés au milieu de décors soignés (c’est la grande réussite du film, visuellement très opulent), les stars de Gangster Squad sont bien en mal de personnages à défendre : Josh Brolin vaut bien mieux que la grimace permanente de rage contenue à laquelle il est condamné, Emma Stone semble être plus concernée par ses croisements de jambes que par ses répliques, et Ryan Gosling, pourtant toujours aussi intense si on lui en donne l’occasion, doit se dandiner comme dans un clip de Justin Timberlake au lieu de jouer les héros torturés. Le show est bien sûr laissé à Sean Penn, affublé d’un maquillage à la Raging Bull (Martin Scorsese, 1980), mais visiblement là pour émuler le De Niro des Incorruptibles, version petite frappe avec les yeux plus gros que le ventre. L’acteur en fait littéralement des tonnes, et c’est peu dire. On peut trouver ça ludique et surprenant ; mais on peut aussi trouver ça exténuant et ridicule.

Ainsi, malgré sa patine rétro-glamour, ses Tommy Gun amoureusement lustrés et son décorum de plaisir coupable et nostalgique, Gangster Squad manque complètement son hold-up. Le genre attend encore son Tarantino pour remplacer, au hasard, L.A. Confidential (Curtis Hanson, 1997) dans nos mémoires…

Titre original : Gangster Squad

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Durée : 113 mn


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