Extrêmement fort et incroyablement près

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Insupportable guimauve sur le 11 septembre.

Après le nazisme dans The Reader, Stephen Daldry, pas rassasié de sujets « lourds », s’attaque au 11 septembre. De cette petite fable se dégage une même préoccupation : celle de panser les plaies de l’Histoire. Les remèdes, semble-t-il, sont faciles à trouver (le film avance d’ailleurs à hauteur d’enfant) : beaucoup de bon sens, et encore plus de bons sentiments. Bon sang mais personne n’y aurait-il donc pensé ?

Il se dégage de cet indigeste tire-larmes tendance kitsch une horripilante posture de « je-sais-tout » doublée d’une prétention à l’universalisme qui s’appuie sur un symbolisme horriblement consensuel et peu complexe. Un jeune new-yorkais, le petit Oskar Schell, 11 ans, a perdu son père dans l’effondrement des tours du World Trade Center. Un an après l’événement, il trouve par hasard en fouillant dans son placard une clé. Manque la serrure qui va avec. Cette entrée en matière est prétexte à la mise en place d’un jeu de piste se déroulant à la fois à l’échelle du film et de la ville (Oskar doit rencontrer toutes les personnes portant le nom de « Black », qui était inscrit sur l’enveloppe contenant la clé, pour leur demander si elles connaissaient son père). Mais cette chasse au trésor laisse au final peu de place au jeu, en se gardant bien de laisser du jeu dans son dispositif. Elle ne fait que permettre l’accomplissement d’un cycle (Oskar accepte la mort de son père, se défaisant de sa culpabilité en même temps que de ses complexes) sous une forme téléguidée (il accomplit post-mortem le désir de son père en dépassant sa peur). Le retournement final ajoute une couche de cynisme : toute forme de danger se trouve annulée car tout était sous contrôle. La relation à l’altérité était faussée dès le début. La trajectoire doublée d’une guérison était un simulacre taisant son nom. Il y a quelque chose de glaçant à recevoir ce type de message délivré sur un ton rassurant et satisfait.

Il y a également quelque chose de gênant à incarner de manière aussi naïve dans le personnage de Tom Hanks à travers une figure de père idéalisée à l’extrême (au point d’en devenir particulièrement agaçante) une forme d’innocence perdue le jour de la chute des tours. A la manière du petit Oskar, c’est toute l’Amérique qui se trouve depuis sa mort plongée dans le désarroi. Et tous ces M. et Mme Black passent à l’image pour autant de brebis sans troupeau, autant de points sur une carte sans rien pour les lier les uns aux autres. Ils sont une nation décapitée. La petite parabole continue en faisant du fils de cet homme formidable (Tom Hanks disant à plusieurs reprises « Tout va bien » du haut du cent-cinquième étage d’une tour en flammes…) la figure providentielle autour de laquelle se recueillir et se rassembler. C’est le sens de cet épisode final qui le voit accomplir une sorte de mission, aidant un autre homme à retrouver l’héritage laissé par son propre père. Mais par cet effet de substitution (Oskar pour Thomas, le fils pour le père), le film ne fait que réaffirmer sa position sur des rails qu’il n’avait jamais véritablement quittés. Il perpétue cette formulation involontairement absurde du « tout va bien » au moment de la destruction. Il prétend effacer une blessure par un tour de passe-passe, en posant un voile rassurant par-dessus.

Titre original : Extremely Loud And Incredibly Close

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Durée : 128 mn


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