Et hop ! Une comédie romantique-course au mariage de plus. Ni pire ni meilleure que la plupart, elle remplit mollement son contrat, à peine revigorée par un Monsieur Charmant rustre incarné par Matthew Goode.
« Ma vie est parfaite, tout me réussit. J’ai enfin cet appartement dans les beaux quartiers. Il ne manque qu’une chose pour que mon bonheur soit complet. Mais pourquoi diable ne demande-t-il pas ma main ? »
On connaît la chanson de la comédie romantique de l’ère 00 : le mariage comme accomplissement personnel. Il fallait bien un peu d’exotisme et de légende locale distribuée par le passage éclair d’un père forcément trop souvent absent comme prétexte à une énième bluette. A savoir : la possibilité, en Irlande pour les demoiselles de demander monsieur en mariage le 29 février, soit les années bissextiles. Voici donc notre executive woman en partance pour l’île, des étoiles pleins les yeux, pour rejoindre son compagnon à un colloque médical. Avec un pitch pareil, on tient pas vingt minutes. Une petite tempête et une déviation la forcera à finir la route avec un autochtone. Car comme le disent les guides touristiques : c’est en rencontrant les Irlandais qu’on apprend à connaître l’Irlande. Et là, c’est le drame…
Définitivement, on connaît la chanson. La comédie romantique excelle moins dans le renouvellement d’un finale prévisible que par les situations comiques qui mènent gentiment au nécessaire happy end. Ici le ressort comique tient donc sur la confrontation de deux extrêmes : la bourgeoise urbaine américaine et le rustre provincial irlandais, le matérialisme stupide et le romantisme noir échevelé, coach déco huppée contre restaurateur à la bonne franquette, Louis Vuitton contre lainage informe, Amy Adams (la Nicole Kidman du pauvre, vue dans Il était une fois) et Matthew Goode (Match Point, A Single Man). Cette confrontation se fait essentiellement aux dépends de la princesse des beaux quartiers. On ne lui épargne pas grand-chose : les éléments qui défont son brushing, le vol de ses affaires, les escarpins dans la bouse… Et surtout Declan/Matthew Goode, le seul à pouvoir la mener à destination, se montre odieux avec elle. Il renverse son côté papillon rose en la traitant de dinde et en la ridiculisant régulièrement. C’est véritablement le personnage de Declan qui sauve Donne-moi ta main, Matthew Goode insufflant au film son humour, sa désinvolture et, pourquoi pas, un peu de substance.
« Et je revois les vallées d’Irlande »
Si l’issue est certaine, les moyens pour y arriver le sont moins et apprendront à notre héroïne que l’amour ne transforme pas nécessairement les gens en merlans frits et qu’un peu d’autodérision ne fait de mal à personne. Le réalisateur Anand Tucker suit à la lettre le cahier des charges du genre, mais parvient de ci de là à faire de ses codes autre chose qu’un passage obligé. Pour montrer le trouble et les sentiments de son héroïne, il n’hésite pas à redoubler des scènes vues au début du film. Au-delà de la seule situation et la comparaison entre deux hommes, c’est véritablement l’image qui se répète avec un compagnon différent donnant l’impression d’un bégaiement du film. A l’inverse de l’une des premières séquences, ce n’est plus le presque fiancé aux dents blanches, mais l’étranger attirant qui vient s’illuminer, sous les yeux ébahies de notre Valérie Damidot des beaux quartiers, dans une multitude de petites lueurs bleutées (ben oui, qui dit comédie romantique dit cucuterie ronflante et irrépressible envie de chanter Papillon de lumière).
Chaque situation devient ainsi prétexte au rapprochement des deux êtres : une petite voiture, un train manqué, un lit pour deux… Tout dans cette Irlande de guide touristique tend à les réunir. Les vastes vallées et les routes désertes sont autant un décor qu’un moteur de l’amour naissant. La visite d’un vieux château s’offre comme une remontée dans le temps vers le romanesque de la lande sauvage et de la ruine gothique, vers le « il était une fois » tant désiré. L’espace d’un instant et d’une histoire qu’il lui raconte, ou invente pour elle, ils deviennent tous deux les héros d’un beau conte. Mais tout ceci n’est que chimère : le château est en ruine et la coach déco finira par s’étaler pathétiquement dans la boue la séquence suivante.
C’est un peu le problème de Donne-moi ta main : quelques belles idées, un beau décor, un excellent personnage, mais une volonté de coller à des codes éventés et aux prétendues attentes du public qui fait qu’immanquablement, le film finit par se vautrer dans une mièvrerie mielleuse. Après maints coups de théâtres qui n’existent que dans la tête de l’héroïne, le baiser final tant attendu s’offre sur fond de falaises escarpées et de soleil couchant au doux son de la cornemuse… Irlande quand tu nous tiens !
Par la satire sociale, cette comédie de moeurs tourne en dérision les travers de l’institution maritale. Entre Cendrillon et Le Roi Lear, la pochade étrille la misogynie patriarcale à travers la figure tutélaire de butor histrionique joué avec force cabotinage par Charles Laughton. Falstaffien en coffret dvd blue-ray.