Dans l’ombre du loup

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Une oeuvre mélancolique et violente sur l´autorité d´un chef et la chute de celui-ci…

Wild Side Video, "Les Introuvables". Sortie le 2 Avril 2008

Contrairement aux films de gangsters classiques, le chef Onimasa n’est pas le tout-puissant. Il est retrogradé à l’état de lieutenant par le Grand Parrain, puis de traître. La clé de sa grandeur et de la révérence de ses seconds provient de l’humanisation du personnage pendant sa chute. Néanmoins, Onimasa fut craint et pétrifia nombre de ses ennemis. Il arracha à une famille pauvre un fils et une fille. Le petit garçon partit, la jeune fille, Matsué, resta. En grandissant, elle admire et aime Onimasa comme son vrai Père. Une menace plane car Onimasa ne rentre plus dans le moule de la mafia nippone : se définissant comme un chevalier pour aider les plus pauvres, il s’attire les foudres des hautes sphères de la mafia japonaise. Matsué décide alors de le défendre vainement contre le Grand Parrain de Shikoku.

L’œuvre de Gosha est avant tout une œuvre sensuelle. La lumière n’y est pas étrangère : les teintes chaudes investissent le plan pour offrir un climat solaire et charnel au cadre. Le rapport au monde également. Les corps s’enlacent, se battent, baisent, se détruisent… Les corps tatoués, les corps malades du typhus, les corps déchirés par les sabres ennemis… Dans l’ombre du loup transpire par chaque pore de son montage d’une furieuse passion qui déflore aussi bien les être purs, les jeunes filles ou les femmes, que les humains pourris par l’argent et le pouvoir. Les corps coïncident ou se complètent par leur ressemblance physique. La tradition vestimentaire nippone, très présente chez les yakuzas, participe du même mouvement clanique du film. La vie se conçoit comme une bulle familiale fermée. L’empreinte du chef, du patriarche est écrasante. Omnipotent et charismatique, son pouvoir n’en demeure pas moins un leurre puisqu’il rétrogradé lui aussi sous le poids de la structure pyramidale du pouvoir imaginée chez la Mafia.

Chevaleresque mais esseulé, sa quête devient son propre sacrifice. L’épreuve du temps, par ellipses et un vieillissement du corps certain, effrite sa position, son aura de chef. Mais il grandit en tant qu’humain. La trahison dont il est la victime lui permet de se libérer de l’emprise de ses supérieurs. Le film embrasse puissamment la notion de liberté. Véritable terrain de prédilection pour que le film se permette des conversions narratives et scénaristiques inattendues. La vie du chef yakuza devient une magnifique fresque, un émouvant drame humain. Les décors installent une platitude et une saturation parfois étouffante, tel un cocon imprenable. Tout est vampirisé par un centre ou, paradoxe, l’absence de celui-ci. L’aura du chef, sa fascinante personnalité marque et s’imprime durablement.

Le traitement filmique sert de journal intime au héros. A la fois cruel et humaniste, bestial et compatissant, passionnel ou calculateur, Onimasa perpétue la grande tradition des chefs de clan se détestant et demandant le pardon. Briseur de rêves et âme brisée, la pertinence de ses actes n’a d’égale que le souffrances qu’il s’inflige pour s’exécuter sous ses propres yeux. Sa définition de la vie se comprend à travers l’affrontement féroce et violent de chiens enragés sur un round de fortune. Son bonheur d’être père dégage un infantilisme et une fragilité d’homme commun contrapuntique et déstabilisant.

Entre vision extraordianaire de l’humain et désacralisation de la toute puissance, entre un hiératisme d’exclamation et la gestuelle courbée du pardon, Gosha met en scène une dialectique des contraires parfumée par l’odeur virile et mesquine des trahisons, des violences (physiques ou sexuelles) et des exécutions.

Les Bonus du DVD :

La restauration du film est une réussite indéniable et les suppléments du dvd, qui sont assez minces, offrent un entretien très intéressant et touchant de la fille unique d’Hideo Gosha. On en apprend plus sur l’homme, son caractère assez calme paraît-il alors que Goyokin, Hitokiri ou Dans l’ombre du loup transpirent la sueur, l’effort, l’exclamation de la violence physique ou psychologique. Les bonus du film sont les parfaits compléments présents dans le DVD collector d’Hitokiri : le châtiment.

Ensuite, la fimographie de l’auteur nippon et la galerie photo transmettent un panorama intéressant d’un réalisateur talentueux et prolix. La galerie photo permet de trier sur le volet des plans du film. Parfois en noir et blanc, elle sont un plus à l’accompagnement de la faillite morale inhérente dans l’œuvre.

Titre original : Kiryûin Hanako no shôgai

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Durée : 146 mn


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