Comme la lune (Joël Séria, 1977)

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Mélancolie et gauloiserie s’entrecroisent à nouveau brillamment dans cette nouvelle réussite du duo Marielle/Séria.

Des Galettes aux fesses

Deux ans après le succès des Galettes de Pont-Aven (1975), Jean-Pierre Marielle et Joël Séria (qui entre-temps avait signé le déroutant Marie-poupée en 1976) se retrouvent avec ce Comme la lune qui constitue une variation passionnante et hilarante de leur film culte. Comme la lune reprend une partie du postulat des Galettes de Pont-Aven avec, à nouveau, un quarantenaire quittant sa vie de famille terne pour une jeune femme sexy et portée sur la chose. Seule grosse différence, les aspirations libertaires, qui causaient le départ du héros de Pont-Aven, sont ici remplacées par une pure motivation libidineuse et matérielle. La fibre artistique du personnage des Galettes de Pont-Aven donnait une poésie et une sensibilité qui ne s’estompaient jamais, même dans ses élans les plus paillards, telles ces envolées sur les postérieurs féminins.

Rien de tout cela ici avec le beauf magnifique qu’est Roger Pouplard (Jean-Pierre Marielle), profitant avec autant de voracité des formes généreuses de sa riche maîtresse Nadia (Sophie Daumier) que des luxueux cadeaux et du cadre de vie qu’elle lui offre. Il se vante d’ailleurs avec un m’as-tu-vu vulgaire équivalent de sa voiture, de ses costumes criards et de sa compagne sexy, savourant les regards concupiscents des autres hommes. On rit donc souvent des facéties d’un Jean-Pierre Marielle qui en fait des tonnes dans les poses fortiches et les tirades machistes, quitte à en devenir maladroit lorsqu’il semble montrer un semblant de sensibilité en organisant l’improbable rencontre entre sa maîtresse et son ex-femme – qui finira naturellement en pugilat. Joël Séria nous fait part d’un rêve libertaire baba cool qui semble avoir basculé vers le capitalisme, le sexe et la vie de luxe étant abordés dans une logique consumériste qui a remplacé les rêves d’amour et de peinture des Galettes de Pont-Aven. Sous les francs éclats de rire, le constat aurait donc plutôt tendance à être amer après la mélancolie douce du précédent film. Pourtant, dans la dernière partie de Comme la lune, une vraie émotion daigne enfin se dévoiler, là encore grâce à la structure des Galettes de Pont-Aven, où le ton rigolard disparaissait lorsque le héros était quitté. Le bling-bling et le sentiment de possession machiste sont poussés à leur paroxysme jusqu’à ce que Pouplard perde tout pour plus nanti que lui.

 

Rédemption d’un beauf

Livré à lui-même en compagnie d’une autre malheureuse en amour, Yvette (Dominique Lavanant), Pouplard va comprendre l’aveuglement où il avait sombré. Par sa bonhomie, Marielle avait réussi à rendre son personnage plus risible que détestable et, ainsi mis à nu, s’avère réellement touchant. Dominique Lavanant, en vieille fille malmenée par les hommes, amène aussi une belle émotion, Séria filmant leur rapprochement avec une délicatesse aux antipodes de la frénésie grotesque des ébats entre Marielle et Sophie Daumier. Un habile parallèle final en flashback où Pouplard se trouve confronté à la même situation que son adultère initial laissera même clairement entendre que notre héros a changé. Déjà conscient qu’un monde sépare l’univers de Comme la lune de celui des Galettes de Pont-Aven (la Bretagne champêtre et la Normandie flambeuse) et que la société se transforme, Joël Séria conclut d’ailleurs le récit sur une note ambiguë loin de l’idéalisme de Pont-Aven. Pouplard semble retrouver de sa forfanterie et Yvette fait les yeux doux à un jeune éphèbe, le règne de la frime 80’s et de la quête du clinquant s’annoncent dans cette fin ouverte. Une œuvre qui vaut bien plus que ses atours volontairement grossiers.

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