Cendres et diamant

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Cours Maciek, cours !

Pologne, année zéro. La Deuxième Guerre s’est achevée aujourd’hui qu’aussitôt les guéguerres intérieures se réactivent. Maciek doit abattre le nouveau premier secrétaire du Parti. Il échoue une première fois. Deux ouvriers, deux frères s’en sont allés à sa place, pour rien. Une occasion se représente miraculeusement. Mais Maciek retarde la sentence. Il préfère s’enamourer qu’accomplir son devoir. Comment le lui reprocher. Ces instants sucrés, ceux de son âge, que la guerre lui a parmi tant d’autres chapardés, c’est pile ceux qu’il peut et doit reprendre à la vie.

Maciek est un idéaliste. Qui ne sait pas vraiment ce qu’il idéalise. Il veut changer les choses, c’est sûr. C’est pour cela qu’il a choisi le fusil mitrailleur et la milice. Mais derrière ses lunettes fumées qui le rendent impénétrable, subsiste toujours le regard malicieux et insouciant d’un enfant. C’est ce même regard qui va progressivement démystifier, déballonner la lourdeur officielle, rosselinienne du prologue initial. Andrzej Wajda fait une démonstration de direction d’acteur : il se contente de laisser déambuler Maciek / Zbigniew Cybulski dans son cadre, se régale de parvenir à l’y maintenir. Son film rêvé se réalise à la magie de sa seule présence.

Maciek a l’écume au bord des lèvres. Désespéré, perclus d’émotions contraires, il accomplit finalement sa mission dans un grand feu d’artifice expressionniste. Il marche, puis court, dégingandé, comme le fera plus tard Alex / Denis Lavant dans Mauvais sang (1986) de Leos Carax. Sauf qu’il n’y aura ni délivrance, ni Modern Love de David Bowie en fond sonore. Sa course s’essouffle, Maciek se recroqueville comme un bébé dans le ventre de sa mère. Il crève l’écran. Crève à l’écran en héros romantique.

Titre original : Popiół i diament

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Durée : 107 mn


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