Bilan de la première édition du FIFP

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Focus sur trois films en compétition qui nous ont marqué lors de cette première édition du FIFP à Carcassonne.

La première édition du Festival International du Film Politique s’est donc achevée dimanche par une cérémonie de clôture grandiose qui se tenait au Centre des Congrès de Carcassonne. Ces 5 jours passés sous le regard protecteur de la magnifique Cité médiévale ont été l’occasion pour 5500 personnes d’assister à la projection de 25 films qui se voulaient tous être des films politiques. Nous avons vu dans notre annonce du FIFP que le concept de film politique s’il est difficile à établir peut se définir malgré tout comme étant association entre une vision du monde et une volonté de s’intéresser non pas à l’individu mais à la société, à son organisation, aux rapports de force entre les groupes qui agissent en son sein, à son avenir.

Cet angle quasi-unique – car peu de festivals en France l’ont adopté exclusivement – choisi par les organisateurs a été respecté mais avec des genres et des styles (dans la réalisation, dans les sujets) très différents. Dans la compétition Fictions, c’est indubitablement The Front Runner de Jason Reitman (sortie le 16 janvier) qui nous a le plus marqué. Dans un style nous rappelant – toute proportion gardée – des grands classiques américains comme Les Hommes du Président (Alan J. Pakula, 1976), Reitman nous narre l’ascension puis la chute de Gary Hart, candidat démocrate à la présidentielle américaine de 1988, à cause de la révélation de sa relation adultère avec une call-girl. Les questions relatives à ce genre d’affaire sont abordées : respect de la vie privée d’une personne publique, rapport entre sexe et politique, omnipotence du quatrième pouvoir… Sur un rythme haletant, Jason Reitman nous offre donc avec The Front Runner un film qui s’intègre parfaitement dans la thématique du FIFP.

 

Entre-soi

La compétition Documentaires, elle, avec Depuis Mediapart de Naruna Kaplan de Macedo, s’intéressait à la presse en nous immergeant dans la rédaction de Mediapart, site d’information fondé par le célébre journaliste d’investigation Edwy Plenel. Pour une plongée, c’est une plongée car nous ne mettons pas beaucoup le nez dehors. Pour ceux qui croyaient qu’un journaliste se devait d’aller chercher ses informations sur le terrain, ce documentaire va les décevoir car il se déroule presque exclusivement entre les quatre murs de ce saint des saints qu’est la rédaction de Mediapart. Certes la réalisatrice Naruna Kaplan de Macedo, abonnée du site d’information, a souhaité filmer les coulisses de son journal préféré et on ne peut pas lui en vouloir d’avoir mené à bien son projet. Mais si voir vivre et travailler en vase-clos quelques jeunes brillants journalistes a quelque chose de divertissant, nous ne pouvons pas nous empêcher de penser finalement qu’il s’agit là d’un exercice de peu d’intérêt. Il est intéressant, pour quelqu’un qui ne connaît pas le fonctionnement d’un journal, de voir filmée une conférence de rédaction mais il eut été beaucoup plus séduisant de voir ces jeunes gens questionnés sur le fond des affaires, sur le rôle de la presse, jusqu’où peut-elle/doit-elle aller ? En définitive, cette chronique en vase clos n’apporte pas grand-chose. Elle peut se résumer en quelque sorte à filmer le bocal depuis le bocal. Une belle perspective sur l’entre-soi.

 

 

Mémoire

Le Silence des autres, documentaire d’Almudena Carracedo et Rober Bahar aura été le film phare de cette première édition du FIFP. En effet, ce magnifique documentaire est par excellence un film politique car la mémoire collective – (contenant toutes les mémoires individuelles) est son sujet. Une assemblée politique peut-elle décréter l’oubli comme l’a fait l’Espagne après la mort de Franco en votant la Loi d’Amnistie générale, ce qui revenait de fait à laisser impunis les tortionnaires du régime franquiste ? Le Silence des autres répond clairement non à cette question car l’oubli engendre la haine. Le film nous raconte la quête de justice, qui d’un homme qui se rend compte que son ancien tortionnaire vit à deux pas de chez lui, qui d’une mère à la recherche d’une trace de son enfant. La condamnation des coupables se fera à force d’obstination et de longues luttes judiciaires en bravant les obstacles que dressent sur le chemin de la justice ceux qui veulent que l’oubli reste la règle. Le Passé (l’histoire), le Présent (la lutte, l’espérance) et le Futur (la paix) s’unissent ici en se confrontant pour faire du Silence des autres un document à la fois très instructif sur la lutte judiciaire des familles et bouleversant tant l’émotion qui émane des ces personnes en quête de justice est grande.

 

 

 

Palmarès :

 

JURY DE LA COMPETITION FICTION

Grand Prix du Festival décerné à

La Permission de Soheil Beiraghi

 

Prix de la réalisation décerné à

Les Invisibles de Louis-Julien Petit

 

Prix d’interprétation décerné à

Baran Kosari dans La Permission

 

JURY DE LA CRITIQUE

Prix de la critique décerné à

Le silence des autres d’Almudena Carracedo et Robert Bahar

 

Prix des étudiants décerné à

La Permission de Soheil Beiraghi

 

 

 

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