Avengers : L’Ère d’Ultron

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Une suite efficace mais dont les qualités sont sacrifiées sur l´autel d´une formule Marvel qui commence à trop se faire sentir.

Le triomphe commercial et l’accueil critique plutôt positif d’Avengers (2012) avait constitué une apothéose de l’ambitieux et inédit défi du studio Marvel : la transposition au cinéma d’un univers étendu reprenant celui des comics où les super-héros s’entrecroisent, s’entraident et s’affrontent. Avengers avait su concilier cette continuité tout en proposant un vrai bon film, ce que les aventures individuelles des personnages n’avaient pas toujours réussi – pour des bons Iron Man (Jon Favreau, 2007) et Captain America (Joe Johnston, 2011), de nettement plus oubliables Iron Man 2 (Jon Favreau, 2011) et Thor (Kenneth Branagh, 2012). Avengers : l’ère d’Ultron vient donc réunir de nouveau notre équipe de super-héros après une phase 2 nettement plus réussie. Les moins bons films – Iron Man 3 (Shane Black, 2013) et Thor 2 : le monde des ténèbres (Alan Taylor, 2013) demeuraient des divertissements honorables tandis que les vraies réussites donnaient des résultats surprenant et audacieux avec l’étonnamment politisé Captain America : le soldat de l’hiver (Anthony et Joe Russo, 2014) et le space opera bariolé Les Gardiens de la Galaxie (James Gunn, 2014). Plus Marvel lâchait du lest sur sa continuité et le plan d’ensemble de cet univers étendu, meilleurs étaient les films. La "formule" Marvel aura permis de mettre en route une sacrée machinerie à succès mais risque aussi constamment le pilotage automatique, écueil où tombe en partie Avengers : l’ère d’Ultron.

Le propos est intéressant avec une vraie continuité des évènements d’Avengers, Iron Man 3 et Captain America : le soldat de l’hiver. Ces films auront révélé à la fois la menace extérieure cosmique pesant sur la Terre mais aussi le démantèlement de l’organisation viciée du SHIELD qui avait réuni nos surhommes. Le film s’ouvre par une victoire définitive sur l’Hydra, et cet apaisement temporaire va placer nos héros face à leurs doutes. La peur pour Tony Stark à jamais traumatisé par sa découverte d’une galaxie plus vaste et truffée de danger innommables, la peur face à sa propre nature monstrueuse pour Bruce Banner/ Hulk. Nos demi-dieux se trouvent ainsi sans repère dans ce monde réel, thèmes déjà évoqués avec brio à travers le man out of time Captain America et la tueuse de la Guerre Froide la Veuve Noire (Scarlett Johansson). Les ennemis constitueront donc ici un miroir de ces peurs, façonnés bien malgré eux par nos héros. L’androïde sanguinaire Ultron est ainsi une extension extrême des préceptes sécuritaires de Stark où l’humain n’a plus sa place et la Sorcière Rouge (Elizabeth Olsen) par ses pouvoirs psychiques réveille les traumas de nos héros qui vont perdre pied. Dès lors, c’est Hawkeye (Jeremy Renner bien plus mis en valeur dans ce film) le plus humain, le plus "faible" de ces héros qui va s’avérer le plus équilibré et apte à remettre sur pied ses acolytes. Ces thématiques passionnantes vont être un peu sacrifiées sur l’autel de l’efficacité après une première partie de film intéressante. Face à un bagage narratif de plus en plus conséquent, on perd grandement d’un vrai rendu cinéma. Tous les précédents films malgré la continuité faisaient le minimum d’effort pour rendre l’aventure unique et resituer suffisamment d’informations afin que le spectacle demeure captivant pour qui n’avait vu toutes les productions Marvel. Plus de cela ici, où l’on semble entré dans une logique de série TV sur grand écran, supposant que le spectateur est au fait de toutes les références délivrées. Cela joue sur une narration au montage chaotique (la géographie est particulièrement malmenée dans la dernière partie où l’on ne sait plus dans quel pays on se trouve), où les personnages apparaissent/disparaissent au fil d’actions pas toujours claires. Mais après tout c’est le projet qui veut cela et même si l’on peut s’interroger sur comment vieilliront ces films, le succès actuel semble donner raison à Marvel. Le problème concernerait plutôt le moment où cette logique télévisuelle finit par empiéter sur l’esthétique du film.

On le sait depuis la série Buffy contre les vampires (1997-2003), Joss Whedon est plus doué pour l’étude de caractère que pour mettre en scène l’action. Le final épique d’Avengers avait constitué un vrai progrès qui rachetait les précédentes productions Marvel, anémiques en morceaux de bravoures. Si les moyens sont là, le réalisateur n’a malheureusement pas progressé dans l’illustration du sense of wonder typique des comics. Hormis un combat réellement haletant entre Iron Man et Hulk en pleine ville, le reste demeure terriblement timoré. Entre tentative malheureuse de composition de plan comics (l’attaque collective très bancale d’ouverture), combats confus et poursuites standards, il n’y a pas grand-chose de marquant pour la rétine. Le métro lâché en pleine ville fait peine à voir face une séquence voisine du Spider-Man 2 (2004) de Sam Raimi et le climax nous ressert une fois de plus le McGuffin à protéger ainsi que l’objet massif que l’on doit s’empêcher de s’écraser au sol (péripéties concluant presque tous les Marvel avec un étonnant manque de renouvellement). Tout est fait pour retrouver la dynamique du premier Avengers, y compris le plan séquence les montrant héroïques et soudés alors qu’ils sont poussés dans leurs derniers retranchements. Le manque d’ampleur et l’effet de redite tuent un peu la force de cette conclusion, gâchée par les trop nombreux bons mots et des personnages au pouvoirs inexploités – Vif-Argent (Aaron Johnson) qui se contente d’aller vite et rien de plus quand il s’offrait une séquence d’anthologie dans X-Men : Days of Future Past (Bryan Singer, 2014) récemment. Le manque de maîtrise de Whedon fait tache face à la concurrence (Man of Steel (2013) de Zack Snyder) mais aussi à d’autres productions Marvel, puisque les frères Russo avaient proposé un fort dynamique Captain America : le soldat de l’hiver en 2014. Avengers : l’ère d’Ultron est donc paradoxalement plus captivant dans ses moments introspectifs que spectaculaires. Les premiers auraient dû renforcer l’implication du spectateur lors des seconds mais faute d’une mise en scène inventive, cela ne fonctionne pas. Heureusement l’intérêt pour les personnages (et la dimension feuilletonesque chère à Marvel) demeure à travers plusieurs pistes lancées, comme la romance Hulk/Veuve Noire et le conflit idéologique Iron Man/Captain America qui fera tout le sel de Captain America : Civil War l’an prochain. Tête de gondole du projet Marvel, les films réunissant les Avengers se devront en tout cas à l’avenir d’être – comme ce fut le cas du premier – les pinacles de cet univers et non un produit standard.

Titre original : The Avengers: Age of Ultron

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Durée : 132 mn


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